La FNCCR regroupe à la fois des collectivités qui délèguent les services publics en réseaux à des entreprises et d’autres qui gèrent elles-mêmes ces services publics. L’association accompagne ses membres concernant des problématiques techniques, administratives et financières.
Entretien avec Xavier PINTAT,
Président de la FNCCR, Sénateur-Maire de Soulac.
Pouvez-vous presenter la federation nationale des collectivites concedantes et regies dont vous etes president depuis 2008 ?
Créée en 1934, la FNCCR est une association de collectivités en charge de services publics en réseaux : eau et assainissement, énergie, communications électroniques, déchets. Elle regroupe quelque 800 membres, de toutes tailles, depuis les plus grandes métropoles jusqu’aux petites communes, en passant par les régions et départements, sans oublier les intercommunalités qui sont le noyau dur de nos adhérents car la logique des réseaux est de s’étendre au-delà des frontières administratives. Vivant exclusivement des cotisations de ses membres, la FNCCR est indépendante des grandes entreprises à qui ces services publics sont souvent délégués : EDF, Engie, Veolia, Saur, Lyonnaise des eaux, Orange, Numericable… Cela garantit la neutralité de nos analyses et propositions qui sont intimement liées à notre volonté d’améliorer au quotidien le service rendu aux usagers.
A cet effet, nous aidons nos membres dans la gestion de leurs activités, par l’animation de groupes de travail thématiques, la réponse à des questions juridiques ou économiques, l’analyse de textes législatifs, le pilotage d’études spécifiques, l’organisation de colloques et, tous les trois ans, un congrès national. Enfin, nous portons régulièrement des propositions, à l’Assemblée nationale et au Sénat, avec les parlementaires membres de la FNCCR. Nous souhaitons d’ailleurs élargir notre cercle d’élus en proposant aux députés et sénateurs d’adhérer directement à la FNCCFR, sans être nécessairement désigné par une collectivité locale, afin que notre association soit parfaitement représentative de la diversité de la représentation nationale.
La FNCCR représente des secteurs très divers. Quel est le rôle des collectivités dans l’énergie ?
Il s’agit de notre compétence première. La FNCCR a été créée à l’initiative des collectivités territoriales en charge de l’organisation du service public de l’électricité. Service public qui s’est progressivement élargi à d’autres sources d’énergie : le gaz naturel, la chaleur et le froid. Fruits de l’histoire des territoires, ces collectivités sont diverses par leur taille comme leur organisation. Souvent méconnu, le rôle de ces collectivités est pourtant structurant et primordial.
Rôle structurant car elles sont propriétaires des réseaux de distribution, c’est-à-dire ceux qui sont au plus près des besoins des citoyens-consommateurs, ce qui garantit la pérennité du modèle de solidarité territorial, par-delà les bouleversements économiques et juridiques du secteur. En effet, ce modèle a prouvé sa robustesse en toutes circonstances : entreprises locales privées jusqu’en 1946, monopole national depuis avec des groupes nationaux (EDF et Gaz de France) aux côtés d’entreprises publiques locales (ELD), ouverture progressive à la concurrence sous impulsion européenne depuis les années 2000. Sans oublier les mutations des grands concessionnaires que sont EDF et Engie, autrefois entreprises intégrées, qui ont aujourd’hui filialisé les activités de distribution. Le monde de l’énergie est un monde qui change. En France, le service public local est ce qui le structure fondamentalement et accompagne ces changements en assurant la stabilité du système : certains syndicats d’énergie, comme le SIGEIF né en 1904, sont plus que centenaires !
Rôle primordial car les collectivités ont charge des services publics que l’on peut qualifier d’essentiels : l’eau, l’énergie, les communications électroniques, les déchets… Ces activités de réseaux sont présentes dans tous les foyers et y occupent une place aussi centrale que vitale. Tout Français qui allume la lumière ou boit un verre d’eau recourt à un service public pratiquement invisible à force d’être efficace. Qu’un incident survienne et aussitôt chacun réalise à quel point notre vie dépend du bon fonctionnement de ces fils et tuyaux qui irriguent le pays. A côté d’un Etat en charge des impulsions stratégiques, les collectivités sont en quelque sorte en charge de « l’intendance », laquelle est peut-être moins médiatique mais s’avère tout aussi nécessaire.
Comment les collectivités abordent-elles la transition énergétique ?
Au risque de vous surprendre, je crois que la transition énergétique est un peu notre ADN. En un siècle, le monde de l’énergie n’a cessé d’être en transition. D’abord d’origine fossile et hydraulique, l’électricité est depuis les années 1980 produite essentiellement par l’atome. Et notre actuel mix énergétique s’enrichit désormais de nouvelles centrales, qu’elles soient éoliennes ou solaires. Avant le gaz naturel, nous avions le gaz manufacturé, communément appelé gaz de ville… Nous nous adaptons à ces changements d’autant plus aisément qu’ils sont portés par les territoires. Avant la création des grands barrages puis du parc nucléaire, la production était largement décentralisée et elles en étaient souvent parties prenantes. L’essor des énergies renouvelables n’a donc rien d’inédit de ce point de vue-là et il n’est pas étonnant que nombre d’organismes publics s’impliquent dans de tels projets, voir les financent et les conduisent eux-mêmes. Pour les collectivités, la diversification du mix énergétique va de soi. Et nous savons qu’il y aura d’autres mutations. Certains de nos adhérents s’intéressent déjà à l’hydrogène ou au stockage par exemple.
En outre, cette transition énergétique repose sur l’adaptabilité et la robustesse de nos réseaux. Ces dernières années ont vu l’émergence des smart grids. Nos adhérents sont très impliqués dans les différents projets en cours. D’ici peu, ceux-ci dépasseront bientôt le stade expérimental pour permettre de développer des solutions à grande échelle.
Le secteur de l’eau traverse-t-il également d’importants changements ?
Je dois d’abord rappeler que la distribution d’eau et l’assainissement est un secteur qui se différencie de la distribution d’énergie par la liberté du mode de gestion. Nos adhérents se répartissent équitablement entre partisans de la délégation de service public, confiée à des entreprises privées, et l’exercice direct de ce service, le plus souvent en régie. La question se pose désormais à chaque fois qu’un contrat arrive à expiration. C’est donc un sujet qui reste d’une actualité, et qui nous a conduits à nous doter d’une structure spécifique, France eau publique (FEP), qui réunit nos adhérents souhaitant partager leurs expériences et faire la promotion d’un modèle 100% public.
Par-delà cette réflexion stratégique, nos collectivités sont confrontées à une réforme territoriale, issue de la loi NOTRE, qui a redessiné le périmètre des compétences, ce qui se traduit par une réduction drastique du nombre d’acteurs : de 35.000 à 1.500- 3.000 d’ici 2020. C’est un vaste chantier de réorganisation, qui mobilise beaucoup d’acteurs et d’énergie. Et cette réforme s’inscrit dans un contexte où les communes et les EPCI doivent se saisir de la compétence GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), qui étaient jusqu’alors exercée à toutes les strates territoriales.
La FNCCR réunit également des acteurs du numérique. Sont-ils impliqués dans le chantier du très haut débit ou bien se consacrent-ils surtout aux usages ?
Les deux approches sont complémentaires. Le développement des usages conduit naturellement à accroitre les exigences en termes de débit. Néanmoins, il est vrai que nous devons aujourd’hui accroître singulièrement nos efforts afin de porter le très haut débit au plus profond des territoires.
C’est un immense chantier, comparable en bien des points à celui de l’électrification il y a un siècle. Nous pensons d’ailleurs qu’il doit être financé avec des outils de solidarité territoriale, similaires au FACE (fonds d’amortissement des charges d’électrification). A cet effet, nous préconisons de doter budgétairement et de manière durable le Fonds d’aménagement numérique des territoires (FANT) créé en 2009 afin qu’il complète le FSN à hauteur de 660 millions d’euros par an. Sans ressources financières, le calendrier de déploiement du THD ne respectera pas les échéances annoncées (2022 à 2025).
Par ailleurs, dans la mesure où nombre de collectivités ont créé des réseaux d’initiative publique, nous estimons nécessaire de les aider à rendre ces investissements les plus efficients possibles. Nous avons proposé la création d’un opérateur national de mutualisation des RIP, qui pourrait commercialiser globalement les prises FTTH auprès des opérateurs fournisseurs d’accès à Internet (FAI).
Ces diverses compétences ont en commun d’être de plus en plus productrices de données. Comment appréhendez-vous le sujet ?
Nos services publics locaux ont en effet cette capacité à produire de la donnée au quotidien et nous savons que cela intéresse beaucoup de monde. A ce jour, personne me semble-t-il n’a encore trouvé la pierre philosophale de la donnée et aucun modèle économique probant ne s’est encore dégagé.
Il y a plusieurs approches qui se confrontent et peuvent être complémentaires. Les opérateurs collectent nombre de données, qu’ils peuvent ou non ouvrir, à la fois aux collectivités mais aussi à d’autres utilisateurs. Nous pouvons décider de mettre ces données à disposition gracieusement ou de les commercialiser. L’objectif doit toujours être celui de la modernisation et de l’élargissement du service public.
L’Assemblée nationale compte désormais de nombreux parlementaires issus de la société civile. Que peut leur apporter la FNCCR ?
La FNCCR est une association d’élus. A ce titre, nous sommes soucieux de l’intérêt général et ce sont les valeurs de service public que nous portons dans nos échanges, notamment avec les parlementaires et les cabinets ministériels. Je me réjouis de l’arrivée de nouvelles personnalités et leur présente mes félicitations pour leur élection. De très beaux dossiers les attendent. Nos secteurs d’activité impliquent un long travail d’appropriation car il s’agit souvent de sujets techniques mais ce travail mérite d’être mené, dans la mesure où il s’agit d’assurer, j’allais dire tout simplement, la vie de tous les jours : boire, se chauffer, s’éclairer, communiquer…