ENTRETIEN AVEC VALÉRIE MANCRET-TAYLOR, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’INSTITUT D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME D’ÎLE-DE-FRANCE – IAU IDF
Qu’est-ce que l’aventure du Grand Paris représente pour vous ?
Un réseau de métro, avec le Grand Paris Express ? Une vision d’architecte, avec les concours internationaux lancés pour imaginer la métropole de demain ? Ce qui est certain, c’est que la région métropolitaine bouge. Elle se caractérise par de multiples projets urbains. L’IAU en a dénombré actuellement pas moins de 1 570, dont 730 en petite couronne. C’est avant tout un territoire en profonde mutation, qui se réinvente en permanence pour intégrer les formidables accélérations technologiques permises par la révolution numérique et les nouvelles contraintes environnementales liées à la nécessaire transition écologique.
Vous parlez d’une métropole multiscalaire, qu’entendez-vous par là ?
Au-delà de sa cohérence géographique, l’Île-de-France est faite d’échanges permanents entre ses différents espaces. Ses habitants traversent ses frontières administratives pour travailler, se distraire, s’aérer. De grands objets métropolitains tels les aéroports, Achères, Versailles, Disneyland Paris etc., fondamentaux au fonctionnement du Grand Paris, sont à l’extérieur des limites de l’institution appelée «Métropole du Grand Paris » en cours de création. La réalité de l’attractivité économique de l’Île de France compte d’autres lieux qui participent aux dynamiques économiques de son territoire : La Défense et son quartier d’affaires, Saclay et ses chercheurs…
Quels sont les enjeux actuels de la métropole ?
Faut-il rappeler le poids économique de cette région-capitale avec ses 6 millions d’emplois, 9 pôles de compétitivité, 60 grandes écoles, 16 universités, ses 3 aéroports et 7 gares TGV… Elle concentre 2,4 % de la population européenne, 4,7 % de son PIB et près de 7 % des dépenses de recherche des entreprises et organismes publics.
Classée dans le Top 5 des régions les plus compétitives à l’échelle mondiale, elle côtoie Londres, New York, Shanghai et Tokyo, avec qui elle entretient des relations complexes de coopérations réelles mais aussi des stratégies concurrentes pour capter les talents, startupeurs, touristes ou implantations de filiales d’entreprises internationales. Dans la compétition internationale que se livrent les grandes métropoles, la qualité de vie est une part essentielle de l’attractivité : patrimoine, équipements sportifs et culturels, espaces verts, qualité de l’air, autant d’éléments qui attirent les entreprises internationales et leurs cadres.
Quels signes montrent que cette région-monde est en mouvement ?
Derrière les indicateurs économiques, se trouve une région en pleine (r)évolution. Il suffit de parcourir ses territoires pour s’en rendre compte : apparition de nouveaux quartiers de bureaux et parcs d’affaires, développement de nouvelles offres culturelles ou encore création d’unités de méthanisation dans des fermes franciliennes ; elle est leader en matière de recherche et d’innovation. Cette énergie est en pleine expansion avec ses opportunités mais aussi ses défis posés aux acteurs publics, associatifs et privés. Depuis dix ans, on assiste à une mutation des modes de transport : la marche est devenue le premier mode de déplacement, devant la voiture et avant les transports en commun. De même, le vélo devance les deux-roues motorisés. La ville se veut apaisée et plus ouverte, c’est un enjeu d’aménagement et de compétitivité dont il faut tenir compte.
Le parc de logements s’est amélioré, avec une surface moyenne par personne passée de 25 m2 en 1978 à 32 m2 en 2013 et surtout qualitativement, l’inconfort passant de 21,8 % des logements à 0,9%. Malgré tout, le prix des logements évolue plus vite que les revenus, et les besoins en habitat social grandissent. Comme toute région métropolitaine, l’Île-de-France doit, dans le même temps, faire face à des défis environnementaux et une dépendance énergétique forte : pollution de l’air, accélération des besoins liés aux nouvelles consommations, par exemple des data centers. La demande exponentielle d’énergie représente un véritable challenge pour les fournisseurs d’électricité.
Que se passe-t-il plus précisément en matière de transport et d’immobilier d’entreprise ?
D’importants investissements ont été réalisés ces dernières années dans les grandes gares et aéroports. Les centres de congrès et d’exposition présents en Île de France facilitent la tenue d’événements professionnels de rang mondial. L’inscription de l’Île-de-France dans les grands flux mondiaux – touristes, entreprises internationales, étudiants ou talents s’y croisent – permet d’irriguer l’économie régionale. Le parc immobilier d’entreprises est un élément clé de la réussite francilienne, par la diversité et la compétitivité de l’offre de solutions d’hébergement. La région-capitale est la troisième concentration mondiale de lieux de coworking. Un emploi francilien sur deux se situe dans l’un des bureaux du parc francilien, qui atteint les 53 millions de m².
Qu’apporte la mise en œuvre d’une gouvernance métropolitaine à ces projets ?
Le Grand Paris dépasse de beaucoup l’urbanisme pur. Les questions d’environnement ou les questions sociales font partie intégrante de la réflexion, mais aussi la santé, la culture, les sports : tout est lié à une échelle large, qui est celle de l’Île-de-France ! C’est un projet comme Paris n’en avait pas connu depuis les grands travaux haussmanniens : il s’agit de rééquilibrer à tous les niveaux, des territoires entre lesquels on a laissé les inégalités se creuser depuis des décennies, le chantier est colossal… Aujourd’hui, ce rééquilibrage est nécessaire. Pour des questions de qualité de vie bien sûr, mais aussi pour limiter la congestion ou la pollution, pour permettre aux entreprises de se développer. Le Grand Paris recèle d’innombrables facettes, liées les unes aux autres, de formidables opportunités de chantiers et de projets. Notre mission, à l’IAU est de partager notre expertise, de fournir des études qui donnent une vision globale de la métropole à ces différents niveaux; ce qu’elle est aujourd’hui et ce qu’elle est en phase de devenir.
Que pensez-vous des nouveaux acteurs institutionnels en cours de constitution ?
Le Grand Paris doit tenir son rôle de métropole mondiale et cela demande une stratégie de développement claire et ambitieuse. La métropole du Grand Paris compte 131 communes mais sa dynamique embrasse bien d’autres acteurs liés aux fonctions systémiques de cette région : transports, développement économique, stratégies d’aménagement. On assiste à une prise de conscience de la nécessité de coopérer dans un espace complexe. Les nouvelles lois ont donné naissance à de nouveaux territoires : EPT, intercommunalités, à de nouveaux élus au conseil de la métropole et aux conseils de territoires, à de nouvelles répartitions de compétences. Leur installation progressive est une occasion de faire dialoguer des espaces qui s’ignoraient, de mutualiser des efforts auparavant portés par quelques-uns, de rééquilibrer et solidariser des dynamiques économiques et d’aménagement pour le bien de tous.
Et demain ?
Demain, la nouvelle offre de transport du Grand Paris Express, avec plus de 22 milliards d’euros d’investissements dans les infrastructures, va renforcer le potentiel d’accueil des activités économiques et les possibilités d’implantation et de développement, enjeu majeur de la compétition entre les villes régions globales. Il ressort de toutes les analyses, que l’économie francilienne est un système riche et contrasté, tant dans la diversité des activités économiques et la population active qui la composent, que dans les territoires et les acteurs économiques qui l’animent. Le prochain schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) est un rendez vous clé pour la région capitale.
Demain, c’est aussi les initiatives de la Région Île-de-France Dessine-moi le Grand Paris de demain, et la Biennale internationale d’architecture et d’urbanisme en 2017, qui font appel aux architectes, aux urbanistes et aux paysagistes internationaux. Ces projets s’inscrivent dans la lancée de grandes réflexions sur l’aménagement francilien: Réinventer Paris, de la maire de Paris et ses 22 projets, Les Hubs du Grand Paris, concours international de la Métropole Grand Paris (MGP) sur l’aménagement des 68 gares du Grand Paris Express et de ses quartiers environnants. Autant d’appels à réinventer les territoires d’Île-de-France.
L’Île-de-France est une région métro pole qui bouge, elle a de nombreux projets labellisés «Grand Paris», une candidature aux Jeux olympiques et paralympiques 2024 et une candidature à l’Exposition universelle 2025, formidables accélérateurs potentiels de tous ces projets. Son économie est vivante, se réinvente et se projette sur de nombreuses trajectoires possibles, créant autant d’opportunités dont tous les acteurs devront savoir se saisir.
LES ESPACES ONT BESOIN D’IDÉES
Transition numérique, changement climatique, économie créative, gouvernance métropolitaine, résilience urbaine, mobilités collaboratives, écosystèmes innovants, développement soutenable, densification raisonnée… Dans un monde qui bouge, les experts de l’IAU font dialoguer toutes les disciplines pour explorer la vie régionale et métropolitaine dans toutes ses dimensions, décrypter le monde actuel et ses métamorphoses. L’IAU est le lieu clé de la planification du territoire et le rendez-vous de tous ceux qui l’ont pensée. Son expertise s’est élargie et continue de se nourrir de ses cinquante ans d’histoire. Cette mise en perspective unique, faite d’études, de cartes et de données, lui permet de construire les scénarios des territoires de demain, connectés, sensibles, résilients et durables. Un bien commun, ça se partage !
Retrouvez les travaux de l’IAU ici : www.iau-idf.fr