Le Ministère des Affaires étrangères s’est toujours mobilisé pour promouvoir les intérêts économiques de la France auprès de ses partenaires à l’étranger. Cependant, la mise en place de la diplomatie économique, à partir de 2012, a marqué un tournant.
Sous l’impulsion du Ministre des Affaires étrangères et du Développement international, Laurent Fabius, la France est entrée dans l’ère de la diplomatie économique. Comment l’ensemble des personnels de votre administration s’est adapté à ce changement ?
Le soutien aux entreprises par le ministère des affaires étrangères est devenu un réflexe. La démarche de la diplomatie économique a consisté à systématiser et à homogénéiser l’appui apporté par notre réseau diplomatique aux entreprises. Lors de leur prise de fonction, les ambassadeurs rédigent désormais un plan d’action qui leur sert de feuille de route en matière économique. La mise en œuvre de ce plan d’action est suivie annuellement à travers des indicateurs remplis par les postes. Les ambassadeurs sont confirmés dans leur rôle de coordination des acteurs économiques publics et privés, réunis dans un conseil économique et leur mobilisation est significative puisqu’ils consacrent un tiers de leur temps en moyenne aux thématiques économiques.
Au-delà des chefs de poste, l’ensemble du personnel diplomatique est concerné par cette mobilisation. Les services en charge du rayonnement et de l’influence, dans le domaine culturel et de la coopération (les SCAC), dans le domaine scientifique et de l’innovation (les SST) sont appelés à participer à des initiatives conjointes avec les services économiques et les bureaux de l’opérateur Business France. Nous veillons à ce qu’ils promeuvent ensemble les produits français et l’attractivité de la France. Les services consulaires sont également mobilisés pour faciliter la délivrance de titres de séjour.
La mobilisation des personnels s’est faite naturellement tant chacun comprend l’enjeu de la bataille économique qui est la nôtre. Sans se faire au détriment des activités classiques des agents du ministère, la diplomatie économique est venue accroitre l’utilité de chacune des missions tout en l’inscrivant dans une perspective économique.
Les nouvelles missions du ministère ont donné lieu à une organisation repensée et renouvelée. Une direction des entreprises a été créée en 2013 au sein de la direction générale de la mondialisation, des partenariats et du développement. Elle réunit aujourd’hui 70 agents. La direction générale de la mondialisation regroupe ainsi désormais l’ensemble des compétences du ministère sur les questions transversales de l’action extérieure de la France : la diplomatie économique, le développement, la coopération culturelle et de recherche, la coopération décentralisée.
Plus largement, les directions géographiques du Quai d’Orsay ont désormais acquis un rôle de pivot et de coordination de l’ensemble des positions et contributions en matière de commerce extérieur. Détentrices de la compétence géographique, elles agrègent et consolident pays par pays les productions de la direction générale du Trésor et de la direction générale de la mondialisation. Cette répartition a donné lieu à une convention signée entre le ministère des affaires étrangères et du développement international et le ministère de l’économie et des finances en juillet 2014.
Le dispositif d’appui aux entreprises est également constitué d’un réseau de personnalités désignées par le ministre des affaires étrangères et le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur pour leur capacité à fédérer l’offre française. Dans les filières les plus prioritaires et porteuses de perspectives, l’action des services s’appuie sur des « fédérateurs » qui contribuent à structurer des filières à l’export. Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères a choisi d’intensifier ses relations avec une dizaine de pays émergents à fort potentiel en désignant des « représentants spéciaux ». Enfin, l’échelon territorial a paru essentiel dans la logique de la diplomatie économique. Pour cela, des ambassadeurs ont été nommé dans les régions, positionnés auprès des présidents des conseils régionaux pour créer un pont entre le monde des territoires et le réseau diplomatique.
Le réseau ainsi remodelé s’inscrit dans les évolutions observées dans la plupart des pays européens (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Italie, Suède). Ces évolutions permettent de rendre le dispositif plus accessible et plus efficace pour les entreprises.
Dès lors, comment votre ministère travaille en étroite synergie avec les grands acteurs comme Business France, OSEO, COFACE, les CCEF, etc. ?
La création de Business France en janvier 2015, par fusion des deux agences Ubifrance et AFII, qui existaient de manière distincte, répond au besoin de favoriser l’internationalisation de notre économie : aider nos entreprises (en particulier les PME et les ETI, les autres étant déjà largement présentes hors de nos frontières) à exporter ou attirer les investisseurs étrangers en France. La diplomatie économique ne serait pas efficace si les opérateurs de l’export n’étaient pas parties prenantes de cette dynamique. Le MAEDI a donc renforcé ses liens avec tous les grands acteurs et opérateurs de l’export.
En matière de pilotage, le MAEDI exerce désormais la co-tutelle sur le principal opérateur public de l’internationalisation des entreprises, Business France, et la tutelle d’ Atout France dans le domaine du tourisme. Ce lien institutionnel permet d’inscrire la stratégie des opérateurs dans celle du commerce extérieur, portant l’effort sur les couples pays / secteurs prioritaires. Nous accompagnons ces opérateurs dans leurs évolutions. Le Ministère, qui a ainsi participé au processus de création de Business France, prend part à la rédaction en cours du contrat d’objectifs de performance de Business France ainsi que de celui de l’AFD.
Nous jouons aussi un rôle d’animation des acteurs de l’export. Le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur a organisé le 11 mars 2015 le premier forum des PME à l’international au Quai d’Orsay, qui visait à montrer aux PME l’accessibilité et la cohérence du dispositif de l’export. L’objectif est d’offrir – à partir de chacune des composantes du dispositif – une chaîne de valeur intégrée, lisible et efficace pour les entreprises. Chaque opérateur (BPI France, Coface, les CCEF, les CCI, les opérateurs publics et les acteurs privés (OSCI, …), les ambassades et consulats), en est un maillon. À cet effet, une convention a été signée le 11 mars qui accroît la spécialisation de chacun des acteurs sur une étape de l’internationalisation des entreprises : CCI France sur la prépa- ration de l’entreprise à l’export, Business France sur la prospection des premiers contrats, les CCI françaises à l’international sur la consolidation des marchés cibles.
Enfin, le MAEDI est associé à la politique de financement du commerce extérieur. A ce titre, il est consulté sur les projets bénéficiant d’un financement public à l’export (aide projets dans le cadre des instruments FASEP et RPE ; garantie publique COFACE). Il est en outre associé aux réflexions conduites par le ministère de l’économie sur l’évolution de la politique de financement du commerce extérieur, en lien avec BPI et la COFACE.
Quelles relations particulières entretenez vous avec les grands Groupes français comme les ETI et PME ?
Le Quai d’Orsay a traditionnellement entretenu un lien fort avec les groupes du CAC 40 ou du SBF 120, qui constituent un atout pour la France dans la mondialisation. L’effort de diplomatie économique impulsé par Laurent Fabius a consisté à étendre le soutien du réseau diplomatique à de plus nombreux secteurs (agroalimentaire, industries de santé, entreprises du numérique etc.) et à de plus en plus d’entreprises. Nous avons raisonné par filières en créant six « familles prioritaires » pour notre balance commerciale. Il s’agit d’une démarche public-privé pour soutenir nos exportations dans six secteurs où il y a une offre française de qualité et une demande mondiale intense : la santé, l’agroalimentaire, le numérique, la ville durable, les industries touristiques, le secteur culturel et créatif. Issus du monde de l’entreprise, les « fédérateurs » qui animent chaque famille acceptent de mettre à disposition leur temps et leur expertise pour aider nos entreprises à mieux aborder les marchés à l’export. Ils cherchent à encourager en France les synergies entre acteurs publics et privés, à identifier les éventuels verrous pour nos exportations et à promouvoir des offres françaises cohérentes sur des marchés prioritaires étrangers.
Quelques premiers exemples montrent que cette démarche commence à porter ses fruits. Je pense à toutes nos industries de la ville durable qui ont créé une marque française à l’export simple, lisible et de plus en plus connue : Vivapolis. Elle rassemble 150 petites et grandes entreprises capables de présenter la vision française du développement urbain et de répondre à des appels d’offre de toutes tailles, parfois immenses comme à Shenyang en Chine, parfois plus spécifiques comme la redensification d’un centre historique dans la très belle ville de Campeche au Mexique.
Dans la santé, nous voulons créer des « précédents » visibles avec une offre intégrée d’hôpitaux français à l’étranger, rassemblant des BTPistes, des gestionnaires d’hôpitaux, des fournisseurs d’équipements médicaux.
Ces exemples très concrets montrent que les choses peuvent bouger et que l’export concerne d’autant plus les PME et ETI que notre tissu économique part groupé. Le marché international est un puissant levier de croissance de nos PME et ETI. Les ambassadeurs, les fédérations professionnelles et les entreprises et la direction générale de la mondialisation que je dirige, en sommes convaincus. C’est ça l’équipe de France de l’export.
Aujourd’hui, quel regard portent nos partenaires commerciaux sur les atouts et les faiblesses de notre territoire ?
Dans notre réseau international, le 2ème réseau au monde, nous avons également en place plusieurs mesures pour renforcer notre image et notre attractivité comme je vous le décrivais en début d’entretien :
Les conseillers économiques de nos ambassades récoltent les analyses des acteurs publics et privés sur la situation du marché local, les difficultés ou succès que rencontrent les entreprises, les stratégies déployées par les autres pays, nos concurrents sur ces marchés. Ils suivent aussi les négociations commerciales bilatérales ou multilatérales, doivent comprendre l’évolution des débats chez nos partenaires et mieux identifier nos intérêts offensifs et défensifs dans la négociation. Les conseils ont pour rôle de mieux coordonner les actions de promotion des entreprises françaises et de la « destination France ».
Nous avons également mis en place des conseils « Influence », qui visent à déceler et à développer les synergies qui peuvent naître de la mise en commun des différentes politiques, en matière de visas, dans le domaine de la culture, le sport, en matière d’innovation et enfin dans le domaine du tourisme.
Mais également une collaboration renforcée avec les CCE, qui participe à la promotion de l’image de la France à l’étranger et sont chargés notamment de faire remonter les questions spécifiques soulevées par les investisseurs potentiels.
Lors de déplacements présidentiels ou ministériels, nous proposons à des PME et ETI de participer au déplacement afin que leur faciliter les premières prises de contact et de les accompagner dans leur internationalisation.
Ce ne sont que quelques exemples de tout ce que les services du MAEDI on mit en œuvre depuis la mise en place de la diplomatie économique en 2012. L’ensemble des services de l’Etat est mobilisé autour de cet objectif primordial : renforcer l’action et l’image de la France à l’international.
Enfin, nos partenaires reconnaissent que la France est un pays très attractif et ouvert sur l’international. Nos atouts sont nombreux : très bonne qualité de vie, système de santé et d’éducation de qualité, qui attirent beaucoup de touristes, d’étudiants et de talents étrangers.
La France est une place financière centrale, possède une main d’œuvre qualifiée, et est en pointe sur l’innovation, atout que nous mettons de plus en plus en avant. Ce n’est pas pour rien que nous sommes au 2ème rang européen et au 6ème rang mondial pour les dépôts de brevets, à la troisième place des pays les plus innovants au monde, dans le classement « Top 100 Global Innovators » de Thomson Reuters, mais aussi en tête du classement « Fast 500 » pour les entreprises innovantes à forte croissance. Tout cela, bien entendu, sans même évoquer la place de la France dans l’industrie de la mode, l’architecture, de la gastronomie, ou encore des arts et des lettres, pour laquelle nous avons encore été honorés cette année d’un prix Nobel de littérature, venu s’ajouter au prix Nobel d’économie.
Pour mieux valoriser nos potentiels, nous avons commencé par écouter les critiques et requêtes de nos partenaires commerciaux, en réunissant les investisseurs et chefs d’entreprises étrangers autour d’un Conseil stratégique de l’attractivité en février 2014, que le Président a souhaité renouveler deux fois par an. Ce CSA a permis de dégager les principales mesures à mettre en œuvre pour renforcer notre image et notre attractivité ; ces réformes avancent et plusieurs mesures ont déjà été lancées pour faciliter l’accueil et l’installation des investisseurs :
- amélioration des conditions d’accueil et d’installation des talents étrangers, délivrance des visas accélérée (48h) avec de nombreux pays ;
- accueil privilégié des investisseurs étrangers, avec un point de contact unique au sein de l’administration pour tout ce qui touche à l’impôt et signature d’une charte de non-rétroactivité fiscale le 1er décembre dernier ;
- la TVA à l’import est simplifiée, permettant l’allègement des charges financières, depuis le 30 décembre dernier ;
- amélioration des infrastructures d’accueil (Gare du Nord, CDG Express, voies entre Paris et CDG).
D’autres mesures sont actuellement en cours de discussion dans le cadre de la loi pour la croissance et l’activité (loi Macron).
La fusion de l’ AFII et Business France dont nous avons parlé, participe également de cette volonté de renforcer notre position à l’international et de mieux capitaliser sur l’excellence française. Le ministre a mandaté l’agence pour mettre en œuvre une stratégie de communication et d’influence pour développer l’image économique de la France au plan international : nous avons désormais à notre disposition une « agence réputationnelle » pour notre pays, plus largement une véritable agence de promotion de la France à l’étranger.
Certes nous ne sommes pas parfaits – comme nous le rappellent régulièrement les praticiens du « French Bashing » ! –, beaucoup de réformes internes restent à mener, mais nous disposons aussi d’atouts exceptionnels : à nous de mieux les faire connaître au monde. Notre pays reste vu comme complexe ; c’est à nous de faire le travail de pédagogie nécessaire pour favoriser nos avantages comparatifs. Au-delà du travail mené par Business France, nous nous attachons à ce que chacune de nos ambassades, chacun des Français expatriés, fasse ce travail de représentation de l’excellence française, de ce génie national qui est la capacité à créer.
Votre administration exerce également la compétence du tourisme. Comment soutenez-vous la découverte du patrimoine historique, naturel, culturel, gastronomique, etc., de la France ?
A l’issue des Assises du tourisme, conclues le 19 juin dernier, le Ministre des affaires étrangères a annoncé la mise en place de cinq pôles d’excellence touristique.
Ces pôles doivent permettre de renouveler et d’adapter l’offre touristique française aux évolutions des attentes des touristes étrangers, sur des thèmes porteurs sur lesquels la France peut mieux valoriser et développer son offre.
Cinq pôles d’excellence doivent être mis en place :
- Tourisme de savoir
- Ecotourisme
– Tourisme urbain nocturne
- Œnotourisme
- Montagne l’été
Les auditions ont démarré pour les pôles « savoir-faire », « éco-tourisme », « tourisme de nuit » et « œnotourisme ». Celles relatives au pôle « montagne l’été » sont programmées.
Le Conseil de Promotion du Tourisme doit, quant à lui, élaborer une stratégie pour le tourisme français à l’horizon 2020. Les travaux portent sur sept chantiers : gastronomie et œnologie: (cf rapport d’étape sur www.diplomatie.gouv.fr), numérique, marques et destinations, hôtellerie / shopping / tourisme d’affaires, hospitalité et communication, formation et outre-mer.
Les auditions sont terminées pour l’ensemble des thématiques, sauf celles du chantier formation qui sont en cours et celles du chantier outre-mer qui n’ont pas encore commencé.
Tout récemment, l’opération Goût de/Good France, a rassemblé le 19 mars dernier plus de 1000 chefs sur 5 continents pour célébrer la gastronomie française. Cet évènement s’inscrivait dans la continuité d’actions déjà entreprises par Laurent Fabius pour mieux valoriser notre gastronomie et susciter l’envie de France, de ses terroirs et de ses paysages, au travers de la découverte de son excellence culinaire, et, ce faisant, drainer toujours plus de touristes étrangers en France et d’« ouvrir l’appétit » du monde entier pour nos produits agroalimentaires.
L’ensemble de ces travaux contribueront à la réalisation de l’objectif fixé par Laurent Fabius d’attirer 100 millions de touristes en France d’ici 2020 !