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M. Victor VEKSELBERG

Président de la fondation « Skolkovo »

Skolkovo en tant que tremplin national de l’accélération innovatrice de la Russie.

 

La fondation Skolkovo est en train de créer près de Moscou un centre d’innovation. Ce projet, surnommé la Silicon Valley Russe, est conçu autour de cinq pôles : énergie, télécommunications, nucléaire, biomédical et technologies spatiales.

 

Au sommet du B20 vous présidez le groupe de travail en charge de l’innovation. Que faut-il faire pour encourager le monde de l’innovation dans le monde ?

L’attention de notre groupe spécialisé est portée aux questions de la formation d’instruments globaux qui servent à favoriser l’innovation et à dynamiser la croissance économique. Notre travail est organisé autour des trois priorités : efficacité énergétique, biotechnologies, technologies informatiques et communicatives. Pour chacune de ces priorités nous concevons des instruments pertinents, aptes à stimuler les découvertes inédites.

Pour favoriser l’innovation à l’échelle mondiale, il faut avant tout baisser les barrières dans la voie de l’acquisition et de la protection des droits de propriété intellectuelle et faciliter pour tous les agents du marché l’accès aux pratiques avancées et technologies bien agencées.

 

Vous êtes président de la Fondation Skolkovo. Comment la décision de créer un centre d’innovations a été prise ? Ne vaudrait-il pas mieux l’installer dans une des cités scientifiques existantes ? Que dire des projets de construction en 2014 et pour les deux années à venir ?

 

La décision de créer le nouveau centre d’innovations « Skolkovo » à partir de zéro, à l’instar de la technopole française « Sophia Antipolis », a été prise pour plusieurs raisons. Avant tout, parce que nous ne devons pas tout simplement bâtir des maisons sur un terrain de 400 hectares situé au-delà de la Route automobile circulaire de Moscou, mais organiser un milieu créatif où habiteraient et coopèreraient entre eux savants, investisseurs, hommes d’affaires, jeunes inventeurs et étudiants. À « Skolkovo », ils pourront s’adonner en toute liberté à la création, échanger l’expérience et procéder en commun à des recherches inédites, faire des découvertes absolument inattendues. « Skolkovo » est un projet pilote dans le cadre duquel sera mis au point le modèle de création de zones d’innovations analogues en Russie.

Les cités scientifiques existantes avaient, à l’origine, une vocation surtout militaire et n’étaient jamais orientées vers la commercialisation de leurs projets. De plus, des cités des sciences telles qu’Obninsk, Doubna, Korolev ne pourraient pas fournir laboratoires et bureaux à tous ceux qui en auraient besoin. À ce jour, quelques 500 compagnies résidentes du nouveau centre d’innovations ont dit leur intention de déménager à « Skolkovo », 30 compagnies importantes y prendront en location des locaux et bâtiront leurs propres centres de recherche. Il y aura donc du travail pour les savants et les promus de l’Institut technologique de Skolkovo (Skoltech).

Dès aujourd’hui, l’écosystème de la cité d’innovations fonctionne, évolue et, naturellement, se construit. L’Hypercube, le premier bâtiment de « Skolkovo », a abrité sous un même toit les innovateurs, nos partenaires clés et les laboratoires de Skoltech. Il est devenu un site de rendez-vous et de dizaines de manifestations d’envergure. Par exemple, les 2 et 3 juin prochains, la deuxième startup-conférence internationale, « Startup Village », y sera tenue. Elle réunira plus de 10 000 participants : savants, entrepreneurs et investisseurs. Avant nous, personne n’a fait rien de pareil. Nous espérons y voir aussi des invités français.

Les années 2014-2015 verront s’achever l’étape de formation du noyau d’infrastructure. On construira le Technoparc, le bâtiment principal du Skoltech, les appartements pour les startups, des ouvrages à vocation sociale (polyclinique, cité des familles). Pour nos partenaires clés seront également construits : le centre d’affaires « Matrix » qu’on appelle entre nous « Matriochka », des éléments de l’infrastructure technique et de transport extérieure et intérieure. Vers 2020, la surface bâtie atteindra 2,6 millions de mètres carrés environ.

 

« Skolkovo », cette « Silicon Valley russe », est organisé autour de 5 pôles : énergie, technologies spatiales, télécommunications, nucléaire et biomédical. Quels autres clusters du XXIe siècle y faudrait-il développer, selon vous ?

 

La Russie a acquis un énorme potentiel intellectuel et matériel dans le développement de ses branches traditionnelles : spatiale, énergétique et nucléaire. Ces trois clusters constituent les priorités du centre d’innovations « Skolkovo ». Les technologies informatiques et biologiques sont des orientations clés nouvelles qu’il est très important d’exploiter aujourd’hui en Russie.

La stratégie de la Fondation Skolkovo ne prévoit pas d’accroissement du nombre de clusters, mais nous estimons que les meilleurs projets conduisant à des percées se situent à la croisée de sciences et que ce sont précisément les technologies inter-clusters qui trouveront des réponses aux grands défis du nouveau millénaire.
 

Vu le succès du projet « Skolkovo » à Moscou, ne pensez-vous pas qu’il faille le dupliquer à l’échelon national pour stopper ou ralentir, peut-être, la fuite de cerveaux à l’étranger ?

 

« Skolkovo » est le premier projet anti-émigration en Russie dans le cadre duquel plus de 13 000 nouveaux emplois ont déjà été créés pour les spécialistes hautement qualifiés. Nous voulons bâtir une cité des sciences et des connaissances où voudraient retourner nos savants émigrés, pour qu’ils puissent mieux organiser la production dans leur propre pays et aider l’économie nationale à emprunter la voie des innovations.

Je suis fermement convaincu que les dimensions de notre pays exigeront plus d’un « Skolkovo » et qu’il faut obligatoirement dupliquer ce projet dans les régions. « Skolkovo » doit devenir un point de concentration et de dissémination de connaissances, de technologies, de professionnels.

Le modèle de gestion opérationnelle des processus d’innovation à « Skolkovo » est dimensionné et reproduit déjà auprès de certaines écoles supérieures et cités scientifiques. Par exemple, le centre « Skolkovo » coopère étroitement avec Troïtsk, Doubna et Zelenograd.

 

Quels volets du projet « Skolkovo » sont, d’après vous, les plus attractifs pour les investisseurs étrangers, notamment français ?

 

L’économie russe attire des investisseurs à différents profils de risque et qui ont une focalisation industrielle variée. La coopération avec les partenaires locaux offre de larges possibilités pour les investissements de portefeuille et stratégiques dans les hautes technologies, l’enseignement, la santé publique, l’infrastructure et le développement des régions. Par exemple, la Fondation Skolkovo coopère intensément avec la société de capital-risque française « Sofinnova » dont le partenaire gérant Antoine Papiernik est membre du Conseil d’administration de la Fondation.

 

Il existe déjà un grand nombre de sociétés françaises à « Skolkovo ». Ne pouviez-vous pas en rappeler quelques unes ? Un grand industriel français fait d’ailleurs partie du Conseil d’administration de la Fondation. Quels autres représentants du high-tech français pourraient être domiciliés à « Skolkovo »?

 

Les compagnies françaises participent activement à la réalisation du projet « Skolkovo ». Parmi les partenaires clés de la Fondation on voit « Schneider Electric », EADS et « Alstom. Aucun autre pays n’y est représenté aussi largement.

Le travail de « Schneider Electric » à « Skolkovo » est axé sur la création de réseaux intelligents (smart grids). La compagnie adapte aux besoins locaux ses solutions innovantes dans le secteur énergétique. Elle crée déjà de tels réseaux, conjointement avec la société « Réseaux russes », pour approvisionner « Skolkovo » en électricité.

« Alstom » participe au projet en partenariat avec la compagnie « Transmashholding » qui construira à « Skolkovo » un centre R & D important qui occupera 25 000 mètres carrés. « Alstom » en prendra en location une partie pour son centre de recherche où 160 savants et ingénieurs s’occuperont de la conception de technologies nouvelles pour les che- mins de fer et le transport urbain, ainsi que pour la production d’électricité. Sur le plan pratique, un poste électrique souterrain, « Soyouz », est déjà lancé. Il exploite des solutions avancées de « Schneider Electric » et d’ « Alstom » pour alimenter en électricité les bâtiments et d’autres ouvrages du centre d’innovations « Skolkovo ».

La coopération avec le groupe aérospatial européen EADS a suivi un autre chemin en mettant l’accent sur la création, dans le cadre du projet « Skolkovo », de startups franco-russes qui préparent des percées technologiques. Par exemple, l’une de ces startups,

la compagnie « Datadvance», a créé un logiciel exploité déjà par EADS dans la construction d’aéronefs. Ce logiciel permet de réduire de 10 % la durée des travaux d’étude et d’abaisser notablement les coûts. « Datadvance » exécute aussi des travaux d’étude pour les compagnies de construction automobile russes « AvtoVAZ » et « KAMAZ».

C’est vrai, Martin Bouygues, copropriétaire du groupe industriel français éponyme, fait partie du Conseil d’administration de la Fondation Skolkovo depuis 2010 et prend une part active à la réalisation du projet.

En France, les branches traditionnellement fortes sont l’aéronautique, les biotechnologies, la médecine, les nanotechnologies. Nous invitons à participer au projet « Skolkovo » les startups et les grandes compagnies françaises, ainsi que les entreprises de taille moyenne.

 

Envisagez-vous la mise en place d’une feuille de route pour les partenariats entre clusters russes et pôles de compétitivité français ? Quels sont ceux qui existent déjà ?

 

La Fondation Skolkovo étend sa coopération avec la France dans différents domaines. À noter que le projet de construction de la cité a été élaboré à l’atelier d’architecture français « AREP » et que les architectes de « Valode & Pistre » sont auteurs du projet du bâtiment du Technoparc. Comme je l’ai dit plus haut, au cours des trois années d’existence de « Skolkovo », plusieurs accords significatifs ont été signés avec des partenaires français « Alstom », « Schneider Electric » et EADS. L’accord tripartite entre la Banque pour le développement et les relations économiques extérieures (VEB), « Skolkovo » et « Bpifrance Financement », signé le 31 octobre 2013 à Moscou dans le cadre du forum « Innovations ouvertes », est appelé, lui aussi, à simplifier la participation de startups françaises au projet.

Quant à la coopération avec les pôles de compétitivité, elle est particulièrement intense avec la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Par exemple, l’année 2012 a été marquée par la signature d’un accord avec la fondation « Sophia-Antipolis » et la visite d’une délégation de « Skolkovo » effectuée pour prendre connaissance des clusters d’innovation de la région. Déjà en avril 2013, un accord a été signé avec le cluster aérospatial « Pegase ».

Nous comptons beaucoup sur nos partenaires français qui pourraient nous aider à remplir d’un contenu concret les accords existants, ainsi qu’à étendre les relations entre les clusters de « Skolkovo » et les pôles de compétitivité en France (par exemple, avec le cluster des technologies médicales « Euro-biomed », le cluster de l’efficacité énergétique « Capenergies »).

 
 

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