Une harmonisation au service des échanges
Améliorer la compétitivité et l’emploi au sein de l’Union, maintenir la cohésion sociale tout en respectant les différences culturelles des États membres, tels sont les défis du marché unique dans les années à venir.
Dans quelles mesure le marché unique continue-t-il de soutenir l’économie européenne ?
Le marché unique, qui reste aujourd’hui la région caractérisée par la demande solvable la plus élevée au monde, constitue la base de la prospérité européenne. Mais il ne doit pas se limiter à l’établissement de règles ou à des politiques exclusivement centrées sur le consommateur. Nous devons veiller à mettre en place les conditions propices à l’amélioration de la compétitivité des entreprises et favorables à la recherche et à l’innovation. Cela passe, par exemple, par une politique industrielle plus affirmée, portée sur la création de valeur et d’emplois en Europe, par des actions propres à offrir de meilleures perspectives aux entreprises européennes en termes de développement de nouveaux produits et d’accès à des marchés en forte croissance, par la promotion d’une convergence fiscale et sociale plus poussée, par des mesures réduisant les charges administratives et réglementaires pour les entreprises, par la valorisation de la dimension externe du marché intérieur dans un contexte de concurrence internationale accrue (équilibre dans les négociations commerciales avec les grandes régions du monde, réciprocité de l’accès aux marchés publics par exemple) ou encore par la prise en compte des besoins et contraintes spécifiques des PME. À titre d’illustration, l’adoption d’un brevet unitaire européen, qui sera à la fois moins coûteux, plus simple et plus protecteur pour les entreprises, est un élément concret de la réorientation de l’Union européenne vers la croissance, l’innovation et l’emploi.
Quel rôle joue tout particulièrement la France dans ce cadre et en quoi ses relations avec l’Allemagne représentent-elles un atout important ?
La France et l’Allemagne partagent la même vision du marché intérieur, au service d’une croissance forte, durable et équitable, tout en assurant un niveau élevé de protection des consommateurs, de la santé, de l’environnement et des employés. Nous appuyons ainsi la Commission dans sa volonté de promouvoir un équilibre entre les aspects économiques, sociaux et environnementaux du marché intérieur, élément essentiel pour le succès du marché unique et son appropriation par les citoyens.
Après la simplification des formalités administratives et douanières, pourrait-on aller plus loin encore dans l’approfondissement du marché unique des services ? Quels en seraient les avantages ?
L’enjeu principal est aujourd’hui de faire fonctionner de façon satisfaisante les textes existants. L’adoption de la directive services et de la directive qualifications professionnelles, récemment révisée, ont constitué des avancées majeures dans le marché intérieur des services, dont il faut à présent exploiter toutes les potentialités. Il existe, à droit constant, des marges d’amélioration. Par exemple, l’accent mis sur les obstacles réglementaires, plus facilement identifiables, a conduit à négliger les obstacles non réglementaires (pratiques des ordres professionnels par exemple) qui peuvent être tout autant – voire plus – handicapants pour les prestataires de services.
C’est pourquoi la Commission européenne a été chargée par le Conseil de présenter à la mi-2015 un rapport sur le fonctionnement du marché intérieur visant à identifier l’ensemble des obstacles concrets persistants, sur le fondement duquel les moyens de poursuivre l’approfondissement du marché unique des services pourront être identifiés.
Le plan d’investissement de la Commission européenne marque la volonté de l’Union de relancer et soutenir la croissance. Quels en sont les grands axes ?
Le plan d’investissement illustre le besoin d’une politique européenne attachée au soutien de la croissance ; il répond ainsi à une priorité voulue par la France, et c’est l’un des premiers grands chantiers de la nouvelle Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker. Ce plan est une réponse au constat d’un recul important, de l’ordre de 15 %, de l’investissement au sein de l’Union européenne (UE) après la crise économique et financière. Pour inverser cette tendance, le plan a pour objectif de réamorcer l’investissement, et en particulier l’investissement privé, avec un dispositif propre à générer 315 milliards d’euros en investissements publics et privés additionnels d’ici 2017. Le plan mise sur l’effet d’entrainement d’acteurs publics et privés, grâce à un financement initial assuré par l’UE : 16 milliards d’euros s’appuient sur une garantie du budget de l’UE et 5 milliards d’euros sont engagés par la Banque européenne d’investissement (BEI).
Un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), qui doit être opérationnel d’ici juin 2015, aura vocation, en coordination avec la BEI, à cibler le financement des projets les plus pertinents. Les co-investisseurs pourront soit abonder le fonds, soit cofinancer directement des projets spécifiques, et permettre ainsi l’effet multiplicateur escompté. Les projets eux-mêmes seront sélectionnés par le fonds. Il s’agira de projets économiquement viables, mais risqués – qui ne pourraient donc pas prétendre à des financements traditionnels – d’envergure européenne, dans des domaines stratégiques pour l’UE et à fort potentiel de croissance : réseaux à haut débit et réseaux d’énergie, recherche et innovation, infrastructures de transport par exemple. Il est désormais essentiel que le plan puisse être mis en œuvre rapidement.
Quels autres défis attendent le marché unique dans les années à venir ?
Les élargissements successifs, tout en créant de nouvelles opportunités pour les citoyens, les consommateurs et les entreprises, ont également accru la disparité des systèmes économiques, fiscaux et sociaux au sein du marché intérieur, au risque d’une rupture de l’égalité des conditions de concurrence. Le rapprochement des conditions sociales et fiscales est nécessaire à une meilleure intégration du marché intérieur. Il s’agit à la fois d’une question d’efficacité – les entreprises citent régulièrement les différences de règlementations sociales et fiscales comme un frein à leur activité transfrontalière – et une condition de la confiance mutuelle entre les États membres. Par exemple, le marché intérieur du transport de marchandises ne pourra être pleinement achevé qu’avec l’élaboration de règles sociales minimales encadrant le cabotage routier.
Par ailleurs, une appréciation plus fine des véritables besoins d’intégration ou d’harmonisation, d’une part, de ce qui doit légitimement continuer à faire l’objet de régulations nationales, d’autre part, est indispensable. L’esprit de subsidiarité, la prise en compte de spécificités culturelles ou linguistiques nationales ne constituent pas des entraves illégitimes aux échanges, ni même, souvent, de véritables obstacles au développement économique. En outre, s’il est nécessaire de favoriser la mobilité du capital humain en levant les obstacles à la circulation des travailleurs et en promouvant la convergence des conditions sociales et de rémunération, il est clair que cette mobilité ne sera pas comparable à celle qui caractérise un ensemble plus homogène, y compris sur les plans culturel et linguistique, comme les États-Unis. Enfin, l’un des enjeux des prochaines années sera de concilier le besoin d’intégration plus poussée au sein de la zone euro avec l’intégrité du marché intérieur.