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M. Philippe Étienne

Ambassadeur de France en Allemagne

France-Allemagne, noyau de l’intégration européenne

 
Plus que jamais le coupe franco-allemand est un pivot de l’Union européenne. L’entente entre les deux pays n’a jamais été aussi forte pour défendre un projet politique et économique commun. Notre diplomatie, et notamment l’expertise des ambassades bilatérales, est essentielle à cette coopération et au bon déroulement des négociations à Bruxelles.

Le traité franco-allemand a plus de cinquante ans. Les valeurs qui l’ont porté ont-elles évolué depuis ?

En 1963, l’enjeu était de réconcilier deux peuples que trois guerres avaient opposés en moins d’un siècle. Cinquante ans plus tard, les enquêtes d’opinion montrent que les Allemands voient la France comme leur partenaire le plus proche et la chose vaut également pour les Français vis-à-vis de l’ Allemagne. Le contexte a donc heureusement changé – et c’est l’une des réussites extraordinaires du traité de l’Élysée –, mais les valeurs portées par ce traité restent d’une grande actualité.

L’engagement franco-allemand pour la paix en Europe connaît aujourd’hui des traductions très concrètes, comme le montrent les initiatives diplomatiques communes de la France et de l’Allemagne dans la crise ukrainienne, selon le format « Normandie ». Au-delà, il n’est pas de grandes crises internationales (Iran, Afrique notamment) sur lesquelles le dialogue entre nos ministres des affaires étrangères et la coopération entre nos ministères ne soit pas constant. Le rapprochement des sociétés était également une valeur au cœur de la démarche du Général de Gaulle et du chancelier Adenauer.Nous en avons vu toute l’actualité, de façon bouleversante, dans les mouvements de solidarité après les attentats terroristes en France en janvier et lors de la catastrophe aérienne du vol Germanwings dans les Alpes. Les innombrables jumelages et échanges, notamment entre jeunes, restent beaucoup plus vivants et fructueux qu’on ne le croit parfois. La réconciliation franco-allemande n’a par ailleurs jamais cessé de s’inscrire dans la perspective d’un projet économique européen, or, nos gouvernements montrent aujourd’hui que la coopération franco-allemande reste déterminante pour promouvoir la croissance, l’emploi et les investissements dont l’Europe a besoin, comme l’illustre le rôle de nos pays dans la mise en place du « plan Juncker ».

Que représente l’accord franco-allemand lors de chaque proposition à l’Union européenne ?

Les décisions de l’Union européenne ne se réduisent naturellement pas et ne sont au demeurant jamais réduites à un accord franco-allemand, mais le moteur franco-allemand demeure irremplaçable. D’ ailleurs, le couple franco-allemand irrite autant nos autres partenaires quand il semble faire défaut que quand des compromis entre nos deux pays donnent l’impression d’être imposés aux autres ! La taille et le poids relatifs de nos pays jouent un rôle dans cet état de fait, mais cette importance relative n’explique pas tout. Nos pays ont surtout prouvé qu’ils étaient capables, même en cas de divergences entre eux comme cela arrive naturellement, de trouver des compromis inspirés par le souci de faire avancer l’intérêt des Européens et de l’Union dans son ensemble. On l’a vu pendant toutes les grandes crises traversées par l’Europe au cours des dernières années. Nos deux pays sont particulièrement conscients de leur responsabilité pour l’Europe. Il n’y a rien d’exclusif à cela, mais c’est peut-être parce que nous formons déjà entre Français et Allemands la « communauté de destin » évoquée à Berlin par le ministre des Affaires étrangères et du Développement international Laurent Fabius.

Quel rôle peut jouer notre diplomatie dans ce cadre ?

Notre diplomatie joue plusieurs rôles, tous très importants. D’abord, le dialogue de nos autorités politiques sur les grands enjeux internationaux a un effet d’entraînement au sein de l’UE. Il permet à l’Europe de faire entendre sa voix sur des propositions fortes. La lutte contre le dérèglement climatique en fournit un exemple avec la COP21 que nous organisons à Paris cette année et avec le soutien essentiel que peut apporter la présidence allemande du G7. Ensuite, les diplomates au sein de nos ambassades – notamment à Berlin – sont à la fois des experts de leur dossier et des experts de leur pays de résidence. Ils développent des réseaux de terrain, ont des grilles d’analyse pertinentes des circuits de décision, préviennent les malentendus, facilitent la compréhension de nos positions, savent comment faire aboutir un dossier. Je l’ai vu tout au long de ma carrière : l’expertise des ambassades bilatérales est indispensable aux administrations centrales comme aux négociateurs à Bruxelles. Lorsque le dialogue entre les négociateurs à Bruxelles et les experts des ambassades bilatérales est efficace, la qualité de la négociation multilatérale s’en ressent immédiatement et les décisions européennes sont mieux comprises in fine. Au total, nos intérêts sont mieux défendus.

Enfin, les ambassades, les consulats, nos centres culturels, nos lycées, nos agences, constituent une « vitrine » tournée vers le pays de résidence, qui communique, écoute et parle aux politiques, entrepreneurs, décideurs, faiseurs d’opinions, représentants de la société civile, au grand public.

Cette diplomatie est en mesure de saisir les opportunités politiques et économiques quand elles se présentent. Elle fait aussi un travail de fond dans la durée en renforçant des liens denses et variés entre les peuples qui sont le ciment de la construction européenne.

Ce réseau met au quotidien son expertise au service de nos concitoyens et en particulier de nos entreprises dans le cadre de la diplomatie économique.

 

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