Le Grand Genève En Ligne De Mire
Suivi de la pollution de l’air, gestion de la nappe phréatique, exploitation de la géothermie, développement des transports publics… les services territoriaux du Canton de Genève collaborent de plus en plus étroitement avec leurs homologues français pour assurer le développement durable d’une métropole transfrontalière de près d’un million d’habitants.
Quelle est l’étendue des pouvoirs réglementaires et législatifs d’un canton suisse ?
Le fédéralisme suisse repose sur trois niveaux : la Confédération, les cantons et les communes. La Confédération est une autorité de régulation. Elle possède peu de tâches exécutives, essentiellement l’armée et les douanes et établit les normes, les règles, les directives de droit général. Les cantons sont chargés de les appliquer. Cependant, ils possèdent en la matière une certaine marge de manœuvre. Ils peuvent rédiger leurs propres lois sur des points où la confédération n’a pas légiféré ; ils peuvent aussi aller plus loin qu’elle dans les domaines où elle a légiféré. Genève, par exemple, applique des lois sur l’énergie ou la pollution atmosphérique beaucoup plus ambitieuses que ne l’impose le cadre confédéral. À Genève, le Canton est d’ailleurs la seule autorité compétente sur les questions de l’environnement, de l’énergie et de l’aménagement du territoire.
Quels sont les objectifs que s’est donné le canton en matière énergétique ?
Nous nous sommes fixés une baisse de 40 % sur l’ensemble de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. À l’horizon 2050, l’objectif est d’atteindre ce qu’on appelle la « Société à 2000 Watts». Ce concept correspond à celui de facteur 4 en France, soit une division par quatre de la consommation énergétique, en réduisant la demande et en couvrant le reste par des énergies renouvelables.
Depuis le 1er janvier de cette année, le canton est désormais approvisionné en électricité 100 % renouvelable. Nos barrages couvrent 20 à 30 % de nos besoins. Le reste vient des installations hydroélectriques valaisannes ou allemandes et des 800 centrales photovoltaïques présentes sur notre territoire. Le but, à terme, est d’obtenir une électricité d’origine 100 % suisse et 100 % renouvelable. Pour y parvenir, l’État ambitionne d’avoir d’ici 2020 une autoproduction photovoltaïque représentant 10 % de la consommation totale de son parc immobilier, contre 3,9 % actuellement.
Qu’en est-il en matière de chaleur ?
Toute nouvelle construction ou rénovation de toiture nécessite l’installation de panneaux solaires thermiques en nombre suffisant pour assurer l’approvisionnement en eau chaude. L’État compte aussi sur deux programmes phares pour atteindre l’objectif des 2000 watts.
Le premier s’appelle GeniLac : depuis dix ans, l’eau du lac Léman sert à rafraîchir les bâtiments des organisations internationales et des entreprises du quartier des Nations (Genève Lac Nations). L’hiver, elle les chauffe grâce à des pompes à chaleur. Le système permet d’économiser 80 % d’électricité. S’inspirant de ce succès, le projet GeniLac vise à étendre le dispositif à tout le centre-ville et à la zone de l’aéroport, soit un territoire dix fois plus grand. Les travaux ont bien avancé. Les premiers raccordements sont prévus courant 2017.
Le second est baptisé GEothermie2020 : un programme en cours de 90 millions d’euros sur 5 ou 6 ans va permettre de finaliser des études de prospection et d’exploration. Il s’agit de cartographier intégralement le sous-sol du canton pour pouvoir déployer tout type de géothermie. À terme, les deux tiers des besoins en chaleur des ménages pourraient être couverts par cette ressource renouvelable.
Quelle est la place des services publics territoriaux sur le Canton ?
Les services publics cantonaux sont importants et souvent anciens. Les Transports Publics Genevois (TPG) existent depuis 150 ans. Le réseau s’étend sur plus de 400 km et transporte 540 000 voyageurs par jour, en bus, trolleybus et tramways. L’une de ses particularités – quasiment unique en Suisse – est de couvrir l’ensemble du canton, des zones urbaines jusqu’aux régions les plus éloignées du centre.
Les hôpitaux universitaires de Genève (HUG) regroupent, depuis 1995, huit hôpitaux, deux cliniques, quarante lieux de soins ambulatoires, dans lesquels travaillent près de dix mille collaborateurs. Premier hôpital universitaire du pays, il assure tous les rôles en matière de santé publique : proximité, premier recours, urgences et ambulatoire. Il est financé à 55 % par le canton, par le biais des impôts, et à 45 % par les assurances.
L’aéroport international est aussi un établissement public autonome de droit cantonal. Il a un conseil d’administration propre, une comptabilité distincte, mais il appartient entièrement à l’État qui reste propriétaire de l’ensemble des biens immobiliers, désigne les administrateurs et approuve comptes et budgets. Et la moitié des bénéfices annuels tombent dans les caisses du Canton.
Enfin, Services industriels de Genève (SIG) est une entreprise publique dont le capital est réparti entre le Canton de Genève (55 %), la ville de Genève (30 %) et les communes genevoises (15 %). SIG emploie 1 682 collaboratrices et collaborateurs avec plus de cent métiers différents. Elle intervient dans des domaines très variés. Elle construit et exploite des barrages sur le sol du canton, produit de l’électricité, et assure l’approvisionnement du territoire en électricité, eau potable et gaz. Elle traite les eaux usées, incinère les déchets, met en décharge les mâchefers et fait du compostage-méthanisation des déchets organiques.
Où en est le Grand Genève ?
Le Grand Genève est un territoire de 2 000 km2 à cheval entre les cantons suisses de Genève et de Vaud et les départements français de l’Ain et de la Haute-Savoie. Il couvre l’intégralité du Canton de Genève, du District de Nyon et de l’ARC Syndicat Mixte (partie française du Grand Genève), une métropole de 212 communes totalisant près d’un million d’habitants. Situé dans un environnement attrayant, le Grand Genève connaît une croissance démographique importante et une économie en plein essor, autant d’atouts qu’il convient de maîtriser ensemble pour assurer un développement équilibré. C’est pourquoi le Grand Genève est géré par des représentants des deux pays au sein d’une structure juridique de type Groupement local de coopération transfrontalière (GLCT). Les enjeux sont nombreux : logement, emploi, transport, environne- ment, énergie, aménagement…
Comment travaillez-vous avec les services publics français en matière d’énergie ou d’environnement ?
Il y a une habitude, robuste, de collaboration transfrontalière dans de nombreux domaines : police, santé, formation, aménagement du territoire…
En matière d’environnement, la nappe du Genevois est, depuis près de 40 ans, gérée conjointement par le canton de Genève et les collectivités de l’agglomération annemassienne et du Genevois français. Des contrats de rivières transfrontaliers ont été mis en place depuis plus de 15 ans, et – plus récemment – des contrats franco-suisses en faveur des corridors biologiques. Il existe également G2AME (Grand Genève Air Modèle Emissions), un outil commun d’évaluation de la qualité de l’air. Ce travail réunit les experts régionaux français et ceux du Canton de Genève et du Canton de Vaud en vue d’une analyse harmonisée des émissions polluantes afin de pouvoir, à terme, mieux la maîtriser et protéger ainsi la santé de la population. G2AME est capable de déduire la qualité de l’air en 2020 ou 2030 en fonction des scénarios de développement de l’agglomération.
Nous sommes en train de construire le même espace de dialogue en matière énergétique (à travers la communauté transfrontalière de l’énergie dont je suis le Co-président) et dans le domaine des transports. Nous réalisons par exemple un projet de ligne RER, le Léman Express, de 320 km de long, comprenant plus de 45 gares, avec une extension à Annemasse et au-delà. Nous projetons aussi la création d’un réseau transfrontalier de bus à haut niveau de service, et entretenons des contacts réguliers avec nos partenaires français pour le développement de bornes de recharge pour véhicules électriques.