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M. Loïg Chesnais-Girard

Président Du Conseil Régional De Bretagne

Loïg Chesnais-Girard

Comment Se Positionne Aujourd’hui La Région Bretagne Par Rapport À Ses Concurrentes Françaises Et Européennes (Chiffres Clés, Classements) ?

Loïg Chesnais-Girard. La Bretagne est dans la moyenne des Régions européennes, avec un PIB autour de 90 % de la moyenne. Elle affronte des handicaps essentiellement liés à sa position géographique : c’est une péninsule, éloignée des centres de population et de décision du continent. Cette réalité s’impose à nous, et fait que nous devons souvent fournir plus d’efforts que d’autres Régions pour parvenir aux mêmes résultats. Toutefois nous avons aussi des atouts importants : une population très bien formée, une qualité de gouvernance au niveau des meilleures régions européennes et la meilleure de France (classement QoG de l’Université de Goteborg), un taux de chômage inférieur d’un point à la moyenne nationale, et surtout une tradition d‘ouverture sur le monde certainement liée à notre façade maritime.

Vous Reconnaissez-Vous Dans Le Principe De « Coopétition » Qui Combine À La Fois Des Coopérations Avec D’autres Régions Tout En Assumant Une Situation De Compétition ?

LCG. Il ne sert à rien de nier la compétition entre les territoires. Elle s’exerce en permanence entre les Etats, entre les Régions, et même entre territoires d’une même région, qu’on le veuille ou non. Toutefois, on s’aperçoit vite que si on se limite à la compétition, au final tout le monde est perdant car la concurrence à outrance aboutit à des situations de dumping qui sont préjudiciables pour tous. La Bretagne accorde une grande importance à coopérer non seulement avec les Régions voisines, mais aussi avec les autres Régions d’Europe. C’est notamment pour cela que nous sommes aussi impliqués dans la Conférence des Régions périphériques maritimes (CRPM).

Dans Une Configuration À 13 Régions Métropolitaines, La Région Bretagne A-T-Elle La Taille Critique Pour Faire Valoir Ses Atouts Et Ses Potentiels, Notamment En Europe ?

LCG. Le concept de taille critique des Régions n’a aucun sens. Il n’y aucune corrélation en Europe entre taille des Régions et succès socio-économique ou culturel. De plus, la Bretagne est déjà au-dessus de la moyenne européenne avec tout de même plus de 3,2 millions d’habitants. Je pense au contraire que si elle n’est pas accompagnée d’un sentiment d’appartenance et de volonté de faire des projets en commun, une grande taille est en réalité un handicap. La question pertinente n’est pas celle de la taille, mais celle de la différenciation : quels sont les atouts spécifiques d’une région et qu’est-ce qui la différencie des autres ? J’en ai déjà cité en ce qui concerne la Bretagne. Je pourrais ajouter la force unique en France de notre agriculture et de notre industrie agroalimentaire, nos industries maritimes, la singularité de notre vie culturelle et de nos langues, et surtout la force de notre identité et de notre nom : presque tout le monde connaît la Bretagne. Ce n’est pas le cas de toutes les Régions françaises, loin de là, et c’est un atout formidable que nous devons faire fructifier.

 

Ces Dernières Années Ont Été Marquées Par Une Série De Réformes Territoriales Touchant Aux Périmètres, Aux Compétences Ou Encore À La Fiscalité Locale. Envisagez-Vous De Nouvelles Évolutions Institutionnelles Et Territoriales ?

LCG. Ce serait plutôt au gouvernement qu’il faudrait poser cette question. Nous nous réjouissons plutôt de ne pas avoir eu à gérer les conséquences d’une fusion avec une Région voisine, surtout quand je vois les difficultés de mes collègues qui connaissent cette situation. Bien évidemment, la Bretagne a toujours revendiqué pour des raisons historiques et culturelle le retour de la Loire-Atlantique et de Nantes dans le périmètre de la Bretagne. Mais la question du périmètre est secondaire face à celle des compétences et des moyens pour les exercer. Et là, il y a encore du travail car la situation actuelle reste confuse. Pour moi, l’enjeu prioritaire c’est le partage des responsabilités entre l’Etat et les collectivités, plutôt qu’entre les collectivités elles-mêmes. En France, l’Etat n’a pas encore tiré toutes les conséquences de la décentralisation, malgré 35 ans de recul, et ne fait pas encore véritablement confiance aux collectivités. Le mouvement va devoir se poursuivre dans la durée.

Quels Sont Les Principaux Enjeux Et Défis Pour La Région (Démographie, Mutation Économique, Équilibre Social Et Territorial, Transition Énergétique Et Écologique) ?

LCG. La Bretagne est bien évidemment confrontée aux défis globaux qui concernent toutes les Régions : le changement climatique, la révolution numérique, les évolutions du commerce mondial et leurs conséquences sont bien évidemment en première ligne. Cela nous pousse à suivre les bonnes initiatives à travers l’Europe pour nous en inspirer. Mais bien entendu la Bretagne a des défis spécifiques. La démographie en forte progression, le développement asymétrique de nos territoires qui a tendance à se concentrer sur les grandes villes et le littoral, la mutation de notre industrie vers des productions à plus fortes valeur ajoutée.

Pouvez-Vous Présenter Le Concept De « Glaz Economie » Et Son Articulation Avec La Nouvelle Stratégie Régionale De Développement ?

LCG. Glaz est un mot breton : c’est une couleur entre le bleu, le vert et le gris, qui rappelle la couleur changeante de la mer. Elle correspond bien aux fondamentaux de notre économie et aux défis qu’elle doit relever. Le bleu c’est l’économie de la mer, le vert celle de la terre et le gris celle de l’immatériel. L’enjeu est de combiner les trois dans une teinte harmonieuse et en perpétuel mouvement pour nous adapter à un environnement changeant. C’est le fondement de notre stratégie de développement : nous appuyer sur nos atouts naturels pour nous remettre en cause constamment afin de saisir les opportunités.

L’identité Historique Et Culturelle De La Bretagne Est Unique. Constitue-T-Elle Un Atout Et Comment Est-Elle Prise En Compte Dans Votre Stratégie ?

LCG. Comme je l’ai déjà dit, c’est un atout formidable. Les acteurs économiques bretons l’ont bien compris en développant des produits avec un fort ancrage territorial, y compris pour l’exportation. Et ça marche, car cette identité donne le petit supplément d’âme qui fait souvent la différence dans la concurrence internationale. C’est une force, car savoir qui nous sommes nous permet de nous ouvrir aux autres sans craindre de nous y perdre. La valorisation de cette identité à la fois forte et ouverte est au cœur de notre stratégie.

Entre « Local Et Global », Quel Est Le Bon Équilibre De Votre Politique D’ouverture Internationale ?

LCG. Il faut parvenir à cultiver les deux avec une même intensité, c’est notre objectif. Mais on s’aperçoit vite que ce qu’on présente comme une opposition est en fait une synergie. Le local c’est la qualité de vie, c’est donc ce qui fait qu’on se sent fort pour s’ouvrir au global. Et en retour cette ouverture au global permet de se développer et améliore la qualité de vie en local. Je pense qu’en réalité, les deux sont indissociables pour un développement durable.

 

 

 

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