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Élus et Territoires, au cœur du Grand Paris

Entretien avec Pierre BÉDIER, Président du Conseil général des Yvelines

Dans quel cadre institutionnel doit selon vous s’inscrire l’avenir du Campus de Paris-Saclay ? Quels arguments font d’un pôle métropolitain auquel les Conseils généraux des Yvelines et de l’Essonne pourront adhérer, la bonne échelle pour développer le projet du plateau de Saclay ? Vous avez prôné une telle solution, face au projet de l’État de créer une grande inter-communalité, à cheval sur deux départements ?

 

CT – Pierre Bédier

Les inter-communalités n’ont de sens qu’avec l’assentiment des élus locaux. Ce sont ces derniers qui les font vivre. Or, la loi MAPTAM a engendré des inter-communalités démesurées et rarement concertées. Pour Saclay, il a été prévu la plus grande inter-communalité d’Île-de-France (800 000 habitants) après la Métropole du Grand Paris.

Dès son annonce, la quasi-totalité des élus locaux avons estimé que la création d’une telle inter-communalité était inefficace.

Les agglomérations du territoire ont déjà l’habitude de porter ensemble des projets structurants. La CAVGP, la CASQY et le Conseil général travaillent ainsi par exemple actuellement de concert et de manière efficace à l’accueil des laboratoires de l’école des Mines au sein du futur centre de développement de Safran à Châteaufort. Le nouveau périmètre intercommunal tel qu’il était envisagé n’aurait apporté aucune plus-value à la bonne marche d’un tel projet. Au contraire, véritable mastodonte administratif, il aurait davantage pénalisé par des lourdeurs et des coûts exorbitants sans libérer les énergies et créer de dynamiques territoriales.

Bien au contraire, à l’heure où l’enjeu est de convaincre le monde économique de la réalité du cluster de Paris-Saclay par la mise en œuvre immédiate de projets opérationnels, une telle fusion aurait eu l’effet inverse.

Heureusement ce projet a été remisé.

En revanche, nous avions suggéré la création d’une instance de concertation entre les élus de ce territoire, qui pourrait prendre la forme d’un pôle métropolitain, comme il est actuellement à l’œuvre dans le Nord des Yvelines en Seine Aval.

Car ce dont nous avons besoin est un organe au sein duquel nous pourrons partager une vision commune de notre développement, mais sans administration et sans nouvel impôt. Telle est ma vision du devenir de la gouvernance de Paris-Saclay.

Comment analysez-vous l’apport, pour les Yvelines, du Grand Paris Express ? Quel sera l’impact, en particulier, de la future liaison entre la gare Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie ?

La réalisation au plus vite du prolongement du RER ÉOLE à l’ouest de Paris est une priorité absolue pour le Département. En effet, le territoire de Seine Aval qui s’étend de Poissy à Mantes, subit actuellement des mutations économiques profondes.

Après avoir connu son âge d’or pendant les 30 Glorieuses, époque durant laquelle il était le territoire le plus riche du département, il a été frappé de plein fouet par la désindustrialisation. Un seul exemple suffit à illustrer ce phénomène : l’évolution de l’emploi dans les usines automobiles. Dans les années 70, les usines de Renault à Flins ou de PSA à Poissy employaient près de 20 000 salariés chacune, contre quelques milliers aujourd’hui. Ces destructions d’emplois industriels ont été partiellement compensées par des emplois de l’économie résidentielle. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette « déspécialisation » de Seine Aval. Dans un contexte de concurrence territoriale croissante, notamment avec la métropolisation des territoires, il était et il est nécessaire de réagir. Car la Seine Aval a surtout besoin de nouveaux projets, qui relanceront son attractivité économique. C’est tout l’enjeu du prolongement du RER ÉOLE à l’ouest. Car je le rappelle, à l’origine, ÉOLE était l’acronyme de Est Ouest Liaison Express. Or le RER E est aujourd’hui une liaison entre l’Est et le centre de Paris. Sa partie Ouest n’a jamais été réalisée.

Je ne peux donc que me féliciter de la voir aujourd’hui réactivée. De cette importante infrastructure naîtront de nombreux projets de développement. Le transport étant souvent l’élément déclencheur à tout développement.

Dans le cadre de la liaison entre Versailles et le plateau de Saclay, quels éléments plaident en faveur d’ un métro enterré et notamment d’une gare à Saint-Quentin ?

Concernant la ligne 18 du Grand Paris Express, je souhaite que les conséquences du tracé par la variante directe Saint-Quentin Est-Satory soient examinées. Ce nouveau tracé remet en effet en question la capacité à mobiliser le tissu urbain mutable du secteur de l’Université de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui ne sera plus desservi par une gare. Il nécessite également une nouvelle réflexion sur la réorganisation globale des mobilités de ce quartier de la ville nouvelle dépourvu de toute offre de transports collectifs capacitaire.

Partie prenante des pôles de compétitivité System@tic, Mov’eo et Advancity, Saint-Quentin-en-Yvelines développe aussi des projets innovants en matière de mobilité durable. Les Yvelines, aux portes de Paris, ont un tissu industriel et innovant, mais aussi un tissu rural centré sur des activités traditionnelles. Comment, dans la dynamique du Grand Paris, voyez vous évoluer cet équilibre au cours des années à venir ?

La volonté du Conseil général est de positionner le département comme territoire de « l’innovation industrielle ». Le département y consacre ainsi chaque année près de 10 millions d’euros.

Parmi les nombreux projets que nous soutenons, il est à noter ceux :

  • les projets de recherche de l’Institut de recherche sur la mobilité du futur VEDECOM (subvention de 4,5 millions d’euros pour les 3 prochaines années, 10 millions d’euros sur les 20 prochaines années) ;
  • l’implantation de l’IFSTARR (2,5 millions d’euros pour leur première implantation en 2009) ;
  • l’accompagnement financier pour l’implantation de l’école ESTACA à Montigny-le-Bretonneux et les laboratoires de l’Ecole des Mines Paritech au sein du pôle que Safran développe à Châteaufort.

 

Ensuite, pour appréhender pleinement les enjeux de développement du département des Yvelines, il faut garder en mémoire le fait que, si, la Vallée de la Seine et le territoire de Versailles Saint-Quentin concentrent 90 % de la population et des emplois, ils n’en représentent que 10 % de la superficie.

L’appui au développement de la partie rurale de notre territoire doit donc être considéré comme un enjeu stratégique majeur pour le Conseil général.

C’est en effet sur la qualité de vie de sa partie rurale que le département fonde depuis des décennies son attractivité.

Le risque de voir émerger une région capitale à plusieurs vitesses, avec la Métropole du Grand Paris, des inter-communalités puissantes en frange urbaine et un territoire rural laissé pour compte, est évident.

L’appui au développement du territoire rural est à ce titre l’objectif prioritaire du Conseil général.

En quoi tout en participant aux développements du Grand Paris, le Département continuera à participer activement à l’aménagement des zones rurales, en apportant son concours en matière d’ingénierie territoriales aux petites communes, comme le prévoit la future loi NOTRe ?

Tout à fait. C’est pourquoi, j’ai souhaité que le Département des Yvelines, pour assurer sa mission de solidarité territoriale, renforce son accompagnement aux communes rurales en créant l’Agence d’ingénierie départementale IngénierY’, dont l’ensemble des prestations seront gratuites pour les collectivités adhérentes. L’agence a pour mission d’ accompagner ses adhérents dans la réalisation de leurs projets en assurant selon les cas les études nécessaires, l’assistance à maîtrise d’ouvrage ou la maîtrise d’ouvrage déléguée pour des opérations d’aménagement, des travaux de voirie, d’assainissement et de réseaux divers et des opérations de construction d’équipements publics et de logements.

Enfin, j’estime indissociable le développement de la partie rurale du département et l’aménagement numérique du territoire.

Le Conseil général a décidé de soutenir le déploiement du Haut et du Très Haut Débit en zone peu dense par un investissement massif dans les années à venir. Le développement du numérique est en effet un enjeu d’attractivité territoriale fondamental.

158 communes et environ 100 000 abonnés seront ainsi concernés. Avec l’aide de l’Etat (Fonds pour la Société Numérique), de la Région et des collectivités concernées, un réseau d’initiative publique sera développé dès 2015. Piloté par un Syndicat Mixte Ouvert que je souhaite créer, il permettra d’améliorer l’accès aux services numériques des populations concernées, soit par le raccordement de la fibre jusqu’à l’abonné, soit par de la montée en débit là où cela s’avère économiquement et techniquement plus pertinent.

 

 

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