L’étude originale complète[i] analyse l’empreinte carbone du Parlement européen à l’occasion de ses récentes résolutions, dans lesquelles il a déclaré l’état d’urgence climatique en Europe et a demandé l’élaboration d’une stratégie pour devenir lui-même neutre en carbone d’ici à 2030. L’analyse tient compte des différentes sources contribuant aux émissions de gaz à effet de serre (GES) du Parlement Européen (PE), notamment de celles liées à son fonctionnement sur trois sites différents ainsi qu’aux déplacements de ses députés et de son personnel. En outre, l’étude propose des mesures à court, moyen et long terme pour réduire massivement l’empreinte carbone du Parlement en vue de parvenir à la neutralité carbone en 2030.
Contexte
Compte tenu des preuves scientifiques accablantes, des nombreux phénomènes météorologiques extrêmes, de la mobilisation de la société civile et de l’insuffisance des mesures prises par les principaux pays émetteurs pour lutter contre le changement climatique, le Parlement a déclaré le 28 novembre 2019 l’état d’urgence climatique en Europe et a demandé instamment à tous les pays de l’Union de s’engager à atteindre un niveau zéro d’émissions nettes de GES d’ici à 2050. En outre, il a pris acte de sa responsabilité institutionnelle de réduire son empreinte carbone et de proposer l’adoption de mesures visant à réduire ses propres émissions de GES. La Commission européenne (CE) a également déclaré, dans sa communication du 11 décembre 2019 sur le pacte vert pour l’Europe, qu’elle souhaitait réduire son incidence environnementale en tant qu’institution en présentant en 2020 un plan d’action global visant à devenir neutre sur le plan climatique d’ici 2030. Lors du Conseil européen du 12 décembre 2019, les États membres ont adopté un objectif de neutralité carbone pour l’Union à l’horizon 2050, à l’exception de la Pologne qui n’a pas pu s’engager à mettre en œuvre cet objectif, même si elle le soutenait.
Objectif
Le 2 décembre 2019, la commission ENVI a demandé au département thématique des politiques économiques, scientifiques et de la qualité de la vie d’élaborer une étude sur l’empreinte carbone du Parlement et a également défini les objectifs de cette étude, qui consistent à fournir :
- Des données accessibles sur les émissions climatiques liées aux activités du Parlement ;
- Une description de l’actuel système de management environnemental (SME) du Parlement par rapport aux autres institutions de l’Union;
- Une analyse des différentes sources qui contribuent à l’empreinte carbone du Parlement, dont les émissions liées au fonctionnement des deux sièges; et
- Des conclusions sur la capacité du Parlement à réduire ses émissions ainsi que sur la trajectoire de réduction correspondante en vue d’atteindre la neutralité carbone.
Depuis cette demande, la décision et la résolution du Parlement du 14 mai 2020 sur la décharge 2018 du budget général de l’Union ont fixé un objectif concret de neutralité carbone. Elles donnent instruction au Bureau de modifier son plan actuel de réduction des émissions de CO2 afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2030. La présente étude examine donc la capacité du Parlement à réduire ses émissions et avance également des mesures de réduction des émissions à court, moyen et long terme, afin de réduire massivement l’empreinte carbone du Parlement et d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2030.
Observations finales
En 2005, le Parlement a mis en place son SME, conformément à l’EMAS, et a réexaminé périodiquement ses performances environnementales au moyen d’indicateurs clés, en revoyant à chaque fois ses ambitions à la hausse. Le calcul des émissions de GES du Parlement inclut toutes les émissions directes, semi-directes et indirectes pour lesquelles des données d’activité peuvent être recueillies. L’empreinte carbone déclarée du Parlement couvre par conséquent l’éventail le plus large possible d’émissions. Le Parlement est parvenu à réduire ses émissions de GES depuis 2006, première année complète à avoir fait l’objet de mesures et d’un audit interne. Dans l’ensemble, l’empreinte carbone du Parlement exprimée en tonnes équivalent CO2 a diminué de 15 % entre 2006 et 2018 ; exprimée par personne, la diminution est même de 37,7 % sur la même période. L’objectif actuel du Parlement en matière d’empreinte carbone consiste à réduire de 40 % en tonne équivalent CO2 par personne d’ici à 2024, objectif qui sera atteint plus tôt. Après une compensation de 100 % de ses émissions incompressibles par un soutien financier à des projets visant à réduire les émissions de GES dans les pays en développement, le Parlement a déclaré avoir d’ores et déjà atteint la neutralité carbone depuis 2016. Toutefois, d’importants efforts supplémentaires seront nécessaires pour que le Parlement parvienne à la neutralité carbone au niveau local (sans compensation de ses émissions).
Quatre catégories d’empreinte carbone du Parlement, à savoir le transport de personnes (67 %), l’énergie consommée (14 %), les actifs fixes (12 %) et l’achat de fournitures et de services (6 %), représentent ensemble 99 % de l’empreinte carbone totale en 2018 (110 570 tonnes équivalent CO2). De ces quatre catégories, celle du transport de personnes est de loin la plus importante et la plus critique. Elle comporte elle-même trois sous-catégories principales : le transport du personnel (15 %), le transport des députés (19 %) et des visiteurs subventionnés (33 %). Il apparaît clairement que les visiteurs subventionnés sont la principale source d’émissions de GES du Parlement, représentant 1/3 de l’empreinte carbone totale de l’institution (33 % ou 35 896 tonnes équivalent CO2). Les émissions des groupes de visiteurs qui ne sont pas subventionnés par le Parlement ne sont pas comprises dans le calcul de son empreinte carbone. Si les visiteurs non subventionnés avaient été pris en compte dans le calcul de l’empreinte carbone du Parlement, 44 323 tonnes équivalent CO2 auraient été ajoutées.
En vue de répondre à la question des émissions « par site» en 2018, une analyse distincte a été réalisée afin de déterminer quelles émissions pouvaient être calculées pour chacun des lieux de travail directement à partir des données disponibles. Pour les catégories d’émissions pour lesquelles le détail des données par site n’était pas disponible, une formule de répartition a été élaborée pour déterminer la part des émissions totales pouvant être attribuée aux trois lieux de travail du Parlement (Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg). La ventilation détaillée des émissions de GES par site montre que 84 196 tonnes équivalent CO2 sont imputées aux activités du site de Bruxelles ou qui en dépendent, 9 836 tonnes équivalent CO2 sont imputées au site de Luxembourg et 16 538 tonnes équivalent CO2 sont imputées au site de Strasbourg, sur un total de 110 570 tonnes équivalent CO2 du Parlement pour cette année-là. Cela signifie que 76,2 % des émissions du Parlement sont imputables aux activités du site de Bruxelles, 8,9 % au site de Luxembourg et 14,9 % au site de Strasbourg.
Bien que les institutions et organes de l’Union échangent de bonnes pratiques environnementales pour réduire leur empreinte carbone par l’intermédiaire de groupes interinstitutionnels de management environnemental, comme le Groupe interinstitutionnel de management environnemental (GIME), davantage d’efforts sont encore nécessaires pour harmoniser le mode de calcul et de déclaration de leurs émissions de GES. En outre, toutes n’incluent pas leurs émissions indirectes, le recours aux marchés publics écologiques (MPE) n’est toujours pas obligatoire, alors qu’il n’existe pas d’approche commune pour la compensation des émissions de GES. Dès 2014, un rapport spécial de la CCE recommandait aux institutions et organes de l’Union d’harmoniser les méthodes et paramètres de calcul de leur empreinte carbone. Aujourd’hui, il est encore très difficile de comparer directement leurs empreintes carbones respectives.
Alors que les efforts déployés par la communauté internationale pour lutter contre le changement climatique relèvent non plus du protocole de Kyoto mais, dès 2020, de l’accord de Paris, et que les mécanismes de mise en œuvre du protocole de Kyoto (par exemple, les compensations) ont montré leurs limites, les parties à l’accord de Paris n’ont pas encore été en mesure de s’accorder sur les dispositions relatives aux mécanismes fondés sur le marché. La difficulté tient au fait que tous les pays doivent définir leurs objectifs de réduction des émissions et que les mécanismes de compensation comportent des risques liés au double comptage. Il est indispensable de mettre en œuvre des politiques climatiques plus efficaces afin de réduire les émissions mondiales de GES. Le pacte vert pour l’Europe vise à atteindre des objectifs ambitieux en matière de lutte contre le changement climatique sans compensation de ses émissions de GES au moyen de crédits internationaux, comme c’est le cas pour l’objectif actuel de réduction de 40 % des émissions de GES à l’horizon 2030. De même, dans sa récente résolution, antérieure à la COP25, le Parlement a réaffirmé sa position selon laquelle il est nécessaire de parvenir aux objectifs de réduction des émissions de l’Union pour 2030 et 2050 sur son territoire. Si le Bureau décide de parvenir à la neutralité carbone en 2030, comme la Commission, l’étude propose des mesures à court, moyen et long terme pour réduire massivement l’empreinte carbone du Parlement.
[i] L’étude complète originale a été rédigée par Georgios AMANATIDIS, Département politique pour les politiques économiques, scientifiques et de qualité de vie, PE et Srdan RANDIC, Unité de gestion écologique et d’audit (EMAS), PE. https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2020/652735/IPOL_STU(2020)652735_EN.pdf