JGDE. Vous présidez le pôle de compétitivité Valorial. Pouvez-vous nous expliquer qui sont ses membres et quelles sont ses activités ?
Pierre Weill. Valorial est un cluster qui regroupe 320 acteurs de l’agro-alimentaire, industriels et académiques autour d’une mission commune : promouvoir l’innovation au service du développement économique régional. Nous rassemblons ces acteurs de la recherche et de l’industrie qui se côtoient peu. Valorial crée des lieux de rencontres (congrès, ateliers thématiques, symposium, etc…) d’où émergent des projets collaboratifs menant à de nouveaux outils, de nouvelles technologies, de nouveaux concepts de communications, de nouvelles organisations, de nouveaux produits avec « Valorial inside ».
JGDE. Vous intervenez à tous les stades d’un projet, de la veille jusqu’à la promotion. Quelle est la gamme des services à l’innovation que vous proposez ?
PW. Première instance dans la chaîne de l’innovation, le Comité d’Orientation Scientifique et de Prospective industrielle (COSPI) est composé de scientifiques de tous horizons, de la biochimie à la sociologie. Il identifie les thèmes futurs de créations de valeurs en analysant les besoins et les challenges que notre secteur d’activité devra relever. Il s’agit ensuite de créer des connaissances (innovation dite « pré-compétitive »), puis surtout de faire émerger des projets compétitifs associant les meilleurs labos du domaine avec les industriels désireux de se démarquer avant d’accompagner ces consortium privés-publics vers la finalisation d’un projet. Ensuite les projets sont portés à la « labellisation » par un comité d’experts indépendants. Une fois labellisés, les projets d’innovation sont soumis au Comité des financeurs et financés. Valorial accompagne enfin les projets lors de leur réalisation et passe le relais pour leur diffusion ou leur internationalisation à d’autres institutions.
JGDE. Vous organisez même des sessions de « Food Morning » pour expliquer l’apport des réseaux sociaux à l’innovation agroalimentaire. Pouvez-vous nous présenter le concept et sa mise en œuvre ?
PW. L’agro-alimentaire est un secteur traditionnel très important de l’économie française. L’agriculture et son prolongement agro-alimentaire maillent le territoire et perpétuent des siècles de traditions et de liens au terroir en restant la première industrie du pays. Dans ce terreau de la « vieille économie », l’innovation n’est pas une valeur évidente au quotidien. Elle doit pourtant aussi valoriser et maintenir ces traditions patiemment construites et maintenues dans les réseaux de PME qui forment l’essentiel du secteur. L’innovation doit donc être portée, promotionnée et expliquée pour être intégrée. C’est le rôle des « Food’Morning Valorial » qui réunissent aux quatre coins de nos territoires, au plus proche du réseau de l’agro-alimentaire, les PME locales, les chercheurs et les acteurs de la nouvelle économie, qui rencontrent les acteurs de l’activité agri et agro pour imaginer les technologies nouvelles au service de la production de nos repas.
JGDE. Vous avez créé des partenariats étroits avec des acteurs situés en Normandie et dans les Pays de la Loire. Est-ce que cette dimension Grand Ouest vous permet de peser davantage ?
PW. De Rennes la Bretonne, Valorial est à moins d’une heure de la Normandie et des Pays de la Loire. Un coup d’œil à la carte nous situe au cœur de ces trois régions qui portent l’essentiel des activités de la production agri et agro-alimentaire française (40 milliards d’euros, 100 000 emplois directs) et une part très prépondérante des activités nationales de l’élevage et de la pêche. Le tissu académique y est très dense en matière de formation et de recherche. Vu de New York ou de Tokyo, et peut-être aussi de Paris, Valorial est donc au centre de ces trois régions. C’est là que se construira la nouvelle économie agro-alimentaire, au carrefour des traditions et des nouvelles technologies. Le tissu, tant académique qu’industriel, lui donne un poids inégalé au niveau international. De nombreux industriels, leaders mondiaux dans leur domaine, l’ont bien compris et y implantent leur centre de R&D mondiale (Roullier, Diana, Neovia, Avril, Lactalis, etc.) …
JGDE. Dans le même esprit, vous avez des liens étroits avec d’autres acteurs régionaux de référence, comme Act Food Bretagne ou l’association bretonne des entreprises agroalimentaires. Quelles synergies pouvez-vous créer ?
PW. Le tissu de PME et d’ETI, dominant dans l’activité agroalimentaire, a besoin d’innovation. Et les services d’aide à l’innovation ont besoin de simplicité et de synergies, par exemple d’un portail unique qui accueille les projets innovants et les oriente vers les centres techniques d’Act-Food et/ou vers l’innovation collaborative de Valorial, ses modes de labellisation et de financement. La récente implantation de Valorial dans un lieu unique, la Maison de l’Innovation, de l’Alimentaire et de ses Métiers (MIAM) avec le Centre Culinaire, l’Association Bretonne des Entreprises Agro-Alimentaires (ABEA) et Act-Food, illustre cette volonté de synergie et sa mise en œuvre pragmatique.
JGDE. Valorial s’est doté d’une véritable stratégie internationale qui dépasse le cadre européen. Pouvez-vous nous en présenter les objectifs et les résultats ?
PW. Valorial a une vocation internationale propre à côté des services dédiés à l’aide à l’export. En lien avec les autres pôles agroalimentaires français et les instances régionales, nous tissons des liens forts avec d’autres clusters agroalimentaires situés sur d’autres continents. Des projets internationaux se construisent autour de l’innovation agroalimentaire avec des clusters japonais, américains, européens ou coréens par exemple. De ces liens, des portes s’ouvrent pour la valorisation de nos innovations.
JGDE. Vous avez souhaité regrouper des entreprises et des organismes non alimentaires dans un club « partenaires ». Pourquoi ?
PW. Le Club Partenaires regroupe des entreprises de financement et de conseil aux sociétés agroalimentaires. Leurs compétences sont indispensables à la réussite économique de nos innovations. C’est une originalité de Valorial et une relation « gagnant – gagnant » qui se pérennise et participe aussi au financement du pôle en apportant des ressources privées.
JGDE. On présente souvent la Bretagne comme le 1er bassin agroalimentaire d’Europe. Comment voyez-vous son évolution et son avenir ?
PW. La Bretagne a réussi à construire une économie agroalimentaire très forte et très solide. Elle a vu émerger des entreprises leaders, particulièrement dans les domaines de l’élevage. Aujourd’hui, dans un monde de plus en plus compétitif, ses atouts sont ceux la première région agri et agro de France. Ses traditions et ses compétences académiques en ont fait une région qui regorge de talents humains et d’une main d’œuvre d’excellence. Ses atouts doivent briller dans un contexte de plus en plus compliqué et concurrentiel. Notre gastronomie, nos terroirs, notre « French Paradox » doivent servir de tremplins pour inventer l’activité agro-alimentaire de demain : celle qui saura allier la qualité des produits et l’accessibilité au plus grand nombre.
Impossible de lutter sur le marché mondial avec les pays producteurs de nourriture de base low-cost. Impossible aussi de se cantonner aux productions de luxe et de niche. Entre les deux, la Bretagne innovante va nourrir le monde de concepts et de produits sains et savoureux, accessibles à tous. Conforter et inventer cette vocation, c’est le rôle de Valorial dont la croissance témoigne de la volonté de ses acteurs de (bien) nourrir le monde de demain. La Bretagne a beaucoup d’atouts pour cela. Valorial est fière et consciente d’être l’un de ces plus beaux atouts.