Après un parcours exemplaire dans les médias, début 2016 vous prenez la responsabilité de promouvoir votre pays en France en accédant à la fonction d’Ambassadeur de Roumanie auprès de la République française, comment appréhendez-vous cette mission ? Comment votre parcours vous a servi ? Quel bilan pouvez-vous tirer après deux années ?
En effet, je suis ambassadeur à Paris depuis février 2016, après un long parcours dans la presse, comme vous l’avez mentionné, de plus de 20 ans. J’ai notamment été rédacteur-en-chef de la chaine RFI Roumanie et correspondant, dans mon pays, de plusieurs médias francophones, tout en travaillant également pour des médias roumains. J’avais donc certes, dès le début, une certaine connaissance des réalités françaises, qui m’a été bien utile. Mais aussi certains réflexes du métier de journaliste m’ont beaucoup aidé dans mes fonctions actuelles : je pense que les deux domaines, le journalisme et la diplomatie, sont des métiers pour ceux qui sont curieux, pour ceux qui s’intéressent aux autres, pour ceux qui veulent apprendre. Donc, de ce point de vue, je suis gâté en tant que diplomate. C’est une activité passionnante et je suis très heureux de pouvoir contribuer au développement d’une relation aussi spéciale et chaleureuse que celle qui existe entre la Roumanie et la France.
Ces deux dernières années ont été marquées par un essor des contacts politiques de très haut niveau : deux visites des Chefs d’Etat français en Roumanie, plusieurs visites des Premiers Ministres en France et bon nombre d’autres rencontres officielles. Et oui, l’agenda futur de nos relations s’annonce tout aussi riche dans la perspective de la Saison France-Roumanie et de la Présidence roumaine du Conseil de l’Union Européenne. En même temps, je suis toujours content de pouvoir visiter d’autres régions de la France. Car il existe des liens très forts entre de nombreuses communes, villes et départements français et des communes, villes et « judet » de Roumanie. D’ailleurs, pour la France, la Roumanie est le deuxième pays au monde en ce qui concerne les jumelages et autres coopérations décentralisées. Ces liens directs qui se créent entre Roumains et Français sont peut-être le plus fort ciment pour nos relations.
Les relations culturelles et politiques entre la Roumanie et la France remontent au 19ème siècle, souvenons-nous au Quartier Latin de « La société des étudiants roumains de Paris » fondée en 1846. Quel est aujourd’hui le climat de nos relations politiques et culturelles ? Une année croisée à venir ?
Les liens entre Français et Roumains sont même antérieurs au 19ème siècle. Au 18ème siècle déjà, la langue française était largement diffusée en Valachie et en Moldavie. Paris est devenu au siècle suivant la destination privilégiée de bon nombre de jeunes Roumains désireux de faire des études. Nous nous rappelons bien sûr la fraternité d’armes entre Roumains et Français lors de la Première Guerre Mondiale, à travers la mission conduite par le général Henri Berthelot, et le soutien de la France dans la construction de l’Etat national roumain et la création de la Roumanie moderne, dont nous célébrons cette année le Centenaire.
Comme chacun sait, la France est devenue le pays d’adoption de bon nombre d’écrivains et d’artistes devenus célèbres, tels Constantin Brâncuși, Eugène Ionesco, Mircea Eliade, George Enescu, Tristan Tzara ou Gherasim Luca.
Il y a donc une amitié ancienne et profonde, mais notre coopération bilatérale est placée actuellement sous le signe d’un Partenariat stratégique solide sur le plan politique, économique et culturel. La France demeure un partenaire et un allié essentiel de la Roumanie au sein de l’Union Européenne et de l’OTAN.
La décision d’organiser une Saison Roumanie-France est le fruit d’un souhait partagé de mettre en valeur ce riche héritage. Elle répond aussi et surtout à un besoin pour les deux pays de renouveler leur image et la perception que les Français et les Roumains ont les uns des autres, car les clichés ont la peau dure, comme on dit en français. C’est pour cela d’ailleurs que le slogan de la Saison est « oubliez vos clichés ! ». Les effacer pour mieux se découvrir ou se redécouvrir. Cette Saison sera une véritable première pour la Roumanie et pour la relation bilatérale. Rien qu’en France il y aura près de 300 manifestations : des expositions dans de grands musées, des concerts dans des salles prestigieuses et autres lieux emblématiques à Paris et dans des dizaines de villes en France. Et puis il faut ajouter les 200 manifestations qui se dérouleront en Roumanie.
C’est aussi une Saison encadrée par les symboles : elle débutera cette année en France, quelques jours avant le 1er décembre, date de notre Fête nationale et du Centenaire de la Roumanie moderne, et s’achèvera en Roumanie en 2019, à une date non moins symbolique, celle du 14 juillet.
Dès l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne en 2007, les relations commerciales entre la Roumanie et la France se sont développées, où en sommes-nous aujourd’hui ?
Ce sont les chiffres qui parlent le mieux. Ces 10 dernières années, les échanges bilatéraux de marchandises ont augmenté de 51%, si bien qu’à la fin de l’année 2017 elles ont atteint le record absolu de 8,23 milliards d’euros.
Pour ce qui est des investissements, les compagnies françaises du CAC 40 ont acquis une position stratégique dans l’économie roumaine, avec une présence forte dans les secteurs-clés de l’industrie et des services. Un seul exemple, le plus visible – celui de l’usine Dacia-Renault, qui continue de battre des records de ventes alors que la marque fête cette année ses 50 ans d’existence. Le potentiel de développement des relations économiques reste certes très prometteur, aussi bien au niveau des grandes entreprises que des PME.
Quel est le rôle de l’Ambassade de Roumanie en France dans l’accroissement de nos relations économiques et culturelles ?
On y travaille tous les jours ! Avec mon équipe, nous menons un dialogue soutenu avec une large palette d’interlocuteurs français et roumains. J’ai déjà évoqué notre riche coopération culturelle, qui culminera avec la Saison France-Roumanie. Côté économique, nous nous attachons à promouvoir à l’Ambassade de Roumanie en France les relations commerciales entre les compagnies françaises et roumaines. Nous aidons les acteurs économiques à développer des projets d’affaires surtout en France, mais aussi en Roumanie. Grâce a notre conseiller économique, l’Ambassade coordonne la participation annuelle de centaines d’entreprises roumaines à plus de 10 expositions internationales prestigieuses qui ont lieu à Paris. Elle fournit également un soutien relationnel pour l’implantation mutuelle des entreprises françaises et roumaines dans les deux pays.
Il est à noter également que, dans le cadre de la Saison France-Roumanie, l’Ambassade s’impliquera dans plus de 55 événements économiques en Roumanie et en France.
La Roumanie membre actif de l’OIF au même titre que la France, vous-même francophile averti, en quoi la langue française sert-elle nos relations ?
La langue française joue un rôle fondamental dans nos relations, elle facilite la coopération dans les domaines les plus variés. Le français est l’une des langues les plus étudiées et parlées en Roumanie, au niveau académique, de l’administration, des affaires. La Roumanie soutient constamment le pluralisme des langues de travail dans les organisations internationales, notamment au sein de l’Union Européenne et aux Nations Unies. Et ce n’est pas un hasard si actuellement la Roumanie assure la coordination du Groupe des ambassadeurs de l’UE et de l’ONU. A Paris, moi-même je suis vice-président du Groupe des ambassadeurs francophones, qui est une association très dynamique.
Avec la France, nous avons un dialogue privilégié dans le cadre de la Francophonie institutionnelle, dans l’esprit des valeurs communes qui sont la paix, la démocratie, les droits de l’homme, la diversité culturelle, la solidarité, le développement durable. Parmi les initiatives de la Roumanie dans le cadre de la Francophonie, je pourrais évoquer plus récemment le succès remporté par la Conférence des femmes entrepreneurs de la Francophonie, qui a eu lieu à Bucarest en novembre 2017, et qui mènera à l’adoption d’une stratégie francophone pour l’égalité femme-homme.
Quels sont les grands projets et objectifs visés par votre Ambassade dans les années à venir ?
C’est simple : renforcer les liens entre nos deux pays, à tous les niveaux et avec tous les partenaires roumains et français. Renforcer le dialogue politique franco-roumain, aussi bien sur les dossiers bilatéraux qu’au sein de l’Union Européenne. Nous avons des intérêts communs, nous partageons la vision d’une Europe plus forte, plus solidaire et plus proche de ses citoyens. La Saison France-Roumanie coïncidera d’ailleurs, comme je l’ai mentionné, avec la Présidence roumaine du Conseil de l’UE. Cela constituera une double opportunité pour mon pays de témoigner de son dynamisme, de sa créativité et de son attachement profond à l’Europe.
La Roumanie souhaite obtenir des résultats concrets pour les citoyens européens à travers sa Présidence, qui mettra le principe de la cohésion au centre de ses priorités. D’ailleurs, le motto de la Présidence roumaine sera « La cohésion, une valeur européenne commune ».
Le président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker, a eu cette belle déclaration l’année dernière lors d’une visite à Bucarest : « Si la Roumanie n’est pas l’un des pays fondateurs de l’Union, elle a largement prouvé sa capacité d’être un pays refondateur de l’Union Européenne ». Ce sera donc un défi majeur pour la Roumanie et nous comptons beaucoup sur le soutien de nos partenaires français pour une présidence réussie.
Sur le plan économique, notre souhait est d’avoir davantage d’entreprises roumaines en France. J’ai été heureux de voir assez souvent ces derniers mois des entreprises roumaines qui ouvrent des bureaux en France ou qui exportent leurs produits ici. Et bien sûr, nous sommes ouverts pour les investissements français et nous souhaitons une présence encore plus dynamique des PME sur le marché roumain.
Par ailleurs, peu de gens savent que l’Ambassade de Roumanie à Paris a également pour rôle d’assurer la liaison avec l’OCDE. L’un des principaux objectifs diplomatiques de notre ambassade est de promouvoir la candidature de la Roumanie afin d’entamer les négociations d’adhésion à l’OCDE. Comme l’a récemment déclaré le ministre roumain des Affaires étrangères, notre adhésion à l’OCDE est un moyen de stimuler le programme national de réformes. C’est un développement naturel après notre adhésion à l’OTAN et à l’UE.
Enfin, à la veille d’élection européennes majeures, quel message souhaitez-vous adresser à la France, aux français et aux roumains en France ?
Mon message est le même pour les Français et les Roumains qui vivent en France : parlons d’Europe partout et le plus souvent possible ! Nous vivons une phase historique complexe, avec des changements et des crises diverses, qu’il s’agisse des flux migratoires ou du retour des nationalismes. Ce qui est sûr, c’est que nous tous avons besoin d’une Europe unie, forte et fonctionnelle face à ces défis majeurs. Les réponses nécessaires pour faire avancer le projet européen doivent venir de tous les horizons européens. Parlons donc d’Europe, trouvons ensemble des réponses et participons nombreux aux élections européennes de l’année prochaine !