Il y a un parallèle entre Les priorités de la France lors de sa Présidence en matière de numérique et de technologique et l’excellent rapport du député Axel VOSS sur l’Intelligence Artificielle.
L’Europe est prise dans un dilemme au sujet de la technologie. C’est sur une forme de ligne de crête qu’elle doit chercher à mettre en œuvre son approche particulière concernant la technologie et particulièrement celle de l’Intelligence Artificielle.
Je parle de dilemme car nous sommes confrontés à deux injonctions, d’une certaine manière contradictoire.
La première injonction concerne le retard de l’Europe en matière d’innovation et de technologie, je peux citer un seul chiffre, si l’on prend les 10 plus grandes entreprises du Monde, 8 sont du secteur de la technologie, 6 n’existaient pas il y a 25 ans et aucune n’est européennes.
La difficulté européenne en matière de technologie vient d’abord de là.
Car cela a des conséquences technologiques, cela a des conséquences économiques et cela a des conséquences démocratiques puisse que la souveraineté technologique et économique précède la souveraineté démocratique.
Dans notre vie de tous les jours cela se traduit par la prévalence des outils Anglo-Saxon, pour communiquer, garder des relations sociales, pour nous déplacer, pour chercher de l’information. Si nous voulons faire en sorte que les valeurs européennes prévalent dans le Monde, et avoir le choix, alors la première des choses à faire est de nous attelés au rattrapage de ce retard.
C’est vrai pour la technologie et encore plus vrai pour l’intelligence artificielle.
Dans ce domaine l’avance prise par les très grandes entreprises américaines et chinoises est excessivement importante, sauf dans les domaines B to B où nous pouvons encore largement jouer. Par contre dans les domaines B to C, la taille des lacs de données accumulées par les entreprises américaines et chinoises, l’effet exponentielle de l’accumulation de ces données, nous met dans une situation où nous sommes en retard.
La deuxième injonction concerne la régulation, il y a actuellement en Europe, dans le Monde une tension autour des conséquences de cette technologie, des craintes, parfois justifiées parfois injustifiées, mais on se doit de considérer qu’il y a un doute démocratique, un doute au sein de nos populations sur la manière dont nos sociétés évolues.
On a vu au cœur de ce qui s’est passé, avec le Brexit, avec les gilets jaunes en France, avec les évènements aux États-Unis, que la crainte des conséquences de la technologie et de l’intelligence artificielle en particulier dans nos vies quotidiennes est aujourd’hui un des éléments du malaise démocratique que nous avons en Europe.
Et si je devais faire un parallèle avec ce qui s’est passé lors de la période de la mécanisation à la fin du 19ièmesiècle-début du 20ième quand le train est apparu, pour la première fois les gens devaient monter dans des véhicules dont ils ne comprenaient pas le fonctionnement
ce qui a créé des peurs, jusqu’à ce que la puissance publique a créé des standards, régulée et normée les déplacements en train. D’une certaine manière nous devons faire exactement la même chose. C’est dans cette tension qu’il faut trouver la solution et je crois que c’est ce qui est au cœur du rapport d’Axel Voss sur la question du règlement européen de l’intelligence artificielle.
Oui nous devons réguler, mais nous devons toujours réguler en gardant en tête comme le dit le rapport ‘’ Europe is on the loosing side of AI today’’, gardons en tête que la question première à laquelle nous sommes confrontés c’est celle de l’innovation.
Si l’on rentre dans les défis qui sont ceux de la règlementation de l’intelligence artificielle, je voudrais en citer quelques-uns.
A ce stade la France pendant sa Présidence fera son travail pour faire progresser les discutions au sein du Conseil et en résonnance au sein du Parlement, je crois que le règlement a aujourd’hui la bonne approche car il a une approche des risques, on ne peut pas mettre tous les systèmes d’intelligence artificielle dans le même sac, selon les protocoles utilisés, selon les cas d’usage ce ne sont pas les mêmes risques et nous devons de manière global faire progresser cette capacité au sein de notre corpus législatif à intégrer les éléments du code et des protocoles technologiques, les protocoles technologiques ne sont pas un tout, ils posent des questions extrêmement différentes en fonction de leur design.
Je pense donc que la proposition de règlementation de la Commission est équilibrée.
L’un des principaux défis que nous aurons avec la règlementation sur l’intelligence artificielle, et il est très en lien avec la question de l’innovation, c’est la question de la mise en place et de l’implémentation de cette régulation avec deux défis principaux :
- La capacité à garder un marché unique, nous devons tirer leçon de ce qui n’a pas totalement réussi dans les règlements précédents, s’agissant d’un règlement aussi important pour la compétitivité de l’Union Européenne, il ne peut y avoir de mise en place qui ne soit extrêmement unifiée sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne car cela pourrait créer des différences de compétitivité rédhibitoire en la matière.
- Et le deuxième élément auquel nous devons être capable de répondre, c’est…,il est légitime que l’Europe pose des conditions, sur par exemple la manière dont sont pilotés ou développés les algorithmes d’intelligence artificielle, mais cela a des conséquences en matière de politique commerciale parce que, si nous considérons qu’une entreprise européenne doit avoir des contraintes légitimes pour développer tel ou tel algorithme, alors il faut que nous assurions à cette entreprise européenne qu’un algorithme développé dans des conditions différentes de l’autre côté de l’Atlantique ou en Asie ne puisse pas accéder au marché européen, faute de quoi nous créerons un effet d’éviction des algorithmes européens et des entreprises européennes qui risque d’être extrêmement compliqué.
Je crois que nous avons une opportunité extraordinaire de continuer à façonner la technologie et le monde technologique à l’image des valeurs de l’Europe, que ce règlement est bien venu, qu’il a la bonne approche, mais que la question de sa mise en œuvre sera l’un des défis qui sera encore devant nous.