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Les contrats de développement territorial : le Grand Paris des projets

Entretien avec Jean-Sébastien Lamontagne, Directeur de cabinet du Préfet de la Région Île-de-France, Préfet de Paris et Simon du Moulin de Labarthète, Chargé de mission CDT auprès du Préfet de la Région Île-de-France, Préfet de Paris

Les contrats de développement territorial (CDT) constituent l’outil de déclinaison territoriale des objectifs du Grand Paris, à travers l’élaboration de « projets de territoire » autour du tracé du Grand Paris Express (GPE), en associant les collectivités territoriales et l’État.

Pouvez-vous, de manière générique, nous rappeler la vocation des contrats de développement territorial (CDT) instaurés par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris ?

Jean-Sébastien Lamontagne

Jean-Sébastien Lamontagne : Les CDT ont été conçus pour accompagner territorialement la mise en œuvre du Grand Paris, à commencer par la mise en œuvre du réseau de transport du Grand Paris Express (GPE). L’État soutient ainsi l’élaboration de véritables « projets de territoire » par les collectivités locales, qu’il s’agisse des communes ou des Établissements publics de coopération inter-communale (EPCI). À l’origine, la démarche a été proposée aux territoires situés tout au long du tracé du futur Grand Paris Express (GPE), notamment autour des sites d’implantation des futures gares. Il s’agissait donc clairement de soutenir la dynamique attendue de la mise en œuvre progressive du Grand Paris Express, en incitant les collectivités locales à prévoir l’aménagement autour de ces gares, mais aussi les logements qui doivent logiquement accompagner ces gares pour faciliter les déplacements des franciliens.

Dans ce cadre, combien de CDT ont depuis été signés ? Combien de Franciliens sont ainsi concernés ?

Simon du Moulin de Labarthète : 21 démarches de CDT ont été engagées depuis 2010, et 15 d’entre elles sont aujourd’hui signées ou validées. Le processus d’élaboration d’un CDT passe en effet par une phase de diagnostic et de mise en commun des projets portés par les différentes collectivités. Une fois validé, le projet de CDT est encore soumis à une enquête publique, mais aussi à l’avis de l’autorité environnementale, et du conseil régional qui s’assure, notamment, de la compatibilité du projet avec le SDRIF. Ce n’est qu’à l’issue de cette phase de maturation, qui prend généralement un à deux ans, que le CDT est signé.

Simon du Moulin de Labarthète

Globalement, les 21 CDT engagés concernent 38 % de la population francilienne, soit 260 000 habitants en moyenne par CDT. Les CDT ne couvrent pas l’ensemble de l’Île-de-France : il s’agit d’une démarche volontaire proposée aux collectivités, et ciblée sur les territoires situés autour des futures gares du Grand Paris Express.

J.S.L. : L’enjeu est aussi de positionner les CDT sur les territoires dotés d’une forte envergure métropolitaine. Sont ainsi concernés les zones aéroportuaires de Roissy-Charles de Gaulle et d’Orly, ou encore des secteurs dynamiques au niveau de la recherche et de la valorisation industrielle comme le plateau de Saclay.

Dès lors, pouvez-vous évoquer la diversité des priorités et des objectifs fixés dans ces CDT ?

J.S.L. : Au départ, les CDT offrent un cadre sensiblement identique : logement, aménagement autour des gares, et projets portés par les acteurs des territoires qui viennent s’agréger. Mais au fur et à mesure de leur élaboration, certaines dominantes peuvent apparaître et permettent de déboucher sur ce que nous appelons des « signatures territoriales ». Il arrive alors que le nom du territoire puisse s’effacer derrière cette nouvelle signature territoriale : par exemple, le CDT de Plaine commune, du nom de l’intercommunalité qui le porte, est progressivement devenu le CDT « territoire de la culture et de la création ».

S.d.M.d.L. : Les CDT ont en effet permis de développer des signatures territoriales spécifiques. Il ne s’agit pas d’une hyper-spécialisation, mais plutôt d’une forme d’identité économique qui permet de dessiner une carte des « grandes compétences » du Grand Paris, facilement identifiables pour les acteurs économiques, notamment à l’international. Le pôle aéronautique du Bourget, incluant Roissy, s’inscrit ainsi dans des problématiques aéroportuaires, de logistiques et de tourisme d’affaires. À l’Est, le projet de « ville durable » comprend un ensemble de trois CDT afin de développer des activités telles que l’efficacité énergétique des bâtiments, les mobilités moins polluantes, les éco-quartiers, mais aussi l’innovation à travers le concept de Smart-grid (réseau de distribution d’électricité « intelligent »). La cité Descartes est le centre de gravité de cette ville durable avec 1 500 chercheurs, publics et privés (Écoles des Ponts et Chaussées, école d’ architecture, regroupement des formations en urbanisme, etc.) présents sur ce secteur. L’objectif est d’accélérer les innovations, les créations d’entreprises et la transformation industrielle. Au sud, sur le territoire des communautés d’agglomération Val-de-Bièvre et Sud-de-Seine se développe un CDT « Campus, Sciences et Santé » avec notamment l’institut Gustave Roussy. À l’ouest, le plateau de Saclay a vocation à devenir un pôle universitaire de grande ampleur. Il abrite déjà des établissements prestigieux ; plusieurs écoles ont décidé de s’y implanter (École centrale, etc.). Au niveau de la Défense, l’accent est davantage mis sur les services financiers et l’accompagnement des entreprises.

Signature du CDT Boucle Nord des Haut

Quels sont les objectifs en matière de logements ?

J.S.L. : Les CDT représentent globalement entre 30 % et 35 % de l’objectif des 70 000 logements qui doivent être construits chaque année en Île-de-France. L’État, par sa signature, veille à ce que chaque CDT contribue à cet effort, qui est un objectif fort porté par le Gouvernement. Il s’agit de saisir les opportunités constituées par l’arrivée des futures gares du Grand Paris Express.

S.d.M.d.L. : Cet objectif a été traduit en outil opérationnel à travers la territorialisation de l’offre de logements (TOL). Elle s’applique à toutes les villes d’Île-de-France, y compris donc celles qui s’engagent dans un CDT. Dans les CDT, les communes s’engagent à respecter la TOL avec, souvent, un effort particulier à réaliser dans les quartiers accueillant une gare du GPE. La Direction régionale de l’équipement et de l’aménagement (DRIEA) a élaboré un dispositif qui définit l’effort à produire pour chaque territoire ; ceux qui disposeront de gares devront donc engager une dynamique de densification urbaine.

Quelles sont ou pourraient être les initiatives locales, innovantes, privées ou publiques, etc. ?

S.d.M.d.L. : Il existe en effet certaines initiatives privées, qui peuvent être reprises dans le « projet de territoire » qu’est le CDT. Par exemple Immochan prévoit un investissement privé très important au titre du projet « Europacity », conçu pour être un centre commercial et de loisirs d’un nouveau genre, sur le triangle de Gonesse. Les acteurs économiques privés deviennent donc des interlocuteurs incontournables dès lors qu’ils portent des projets structurants pour les territoires. Bien entendu, les groupements d’entreprises comme les chambres consulaires, les pôles de compétitivité et des syndicats d’entreprise comme le CAREP (Carrefour des entreprises de l’Est parisien) sont aussi des partenaires pour l’élaboration des CDT.

J.S.L. : Il convient aussi de relever que les CDT sont davantage conçus comme des contrats d’objectifs, plutôt que de moyens. Autrement dit, ils constatent la volonté, à un moment donné, d’un certain nombre d’acteurs de doter leur territoire de grands équipements et de réaliser des projets. Les CDT s’efforcent alors d’articuler ces projets dans une démarche globale et prospective, dans une vision de moyen terme à l’horizon de quinze ans. Pour les collectivités locales, cette démarche permet de se regrouper, de se fédérer et parfois de se structurer dans le cadre de nouveaux périmètres territoriaux. C’est en cela que l’action des CDT peut contribuer à concevoir les territoires de la future Métropole du Grand Paris, ou encore les futures inter-communalités qui seront issues en grande couronne du Schéma régional de coopération inter-communale (SRCI).

Les CDT, un levier pour le SRCI ?

S.d.M.d.L. : En petite comme en grande couronne, les CDT ont pu participer à la création d’une certaine porosité entre certaines communes qui, jusqu’alors, ne travaillaient pas beaucoup ensemble. Ce regard collectif sur les secteurs à enjeux contribue à sortir de la logique du « chacun pour soi ».

J.S.L. : Cette démarche a en effet rendu possible des coopérations, en dépassant parfois certaines frontières administratives, par exemple entre départements voisins. En ce sens, les CDT peuvent ouvrir la voie à de nouveaux périmètres de coopération inter-communale, même s’ils n’ont pas été conçus à cet effet. La loi MAP-TAM du 27 janvier 2014 a d’ailleurs explicitement prévu de « prendre en compte » les CDT pour la définition des territoires de la future Métropole du Grand Paris…

Enfin, comment aujourd’hui ces CDT se concrétisent dans les faits ? Quels premiers chantiers ont été mis en œuvre ?

Vue aérienne de la frange sud du plateau de Saclay avec au premier plan « Le Synchrotron Soleil ».

S.d.M.d.L. : Les réalisations les plus significatives concernent sans doute le Grand Paris Express, avec les acquisitions de foncier et les mises en chantier opérées par la Société du Grand Paris (SGP). Le 28 octobre dernier, la SGP a ainsi racheté des terrains à Créteil pour la future gare Créteil l’Échat qui, notamment, sera reliée à Orly.

J.S.L. : Rappelons que la démarche des CDT a été initiée en 2011, et que les premiers CDT signés l’ont été en 2013, tandis que d’autres le seront encore prochainement. Nous sommes donc encore dans une phase d’amorçage. L’horizon temporel des CDT étant celui des quinze années à venir, les résultats ne peuvent survenir du jour au lendemain. Au fur et à mesure de la réalisation des grands projets qui incarnent le Grand Paris, la déclinaison prévue autour des gares se concrétisera. Tous les services de l’État sont mobilisés à travers les CDT, sous la coordination du Préfet de la Région Île-de-France, Préfet de Paris.

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