« L’UE peut faire d’avantage pour lutter contre les changements climatiques dangereux »
nous confie Wendel TRIO dans le cadre du Dossier Officiel « Énergie & Climat »
La crise climatique est l’un des plus grands défis auxquels l’Union européenne et le monde sont confrontés aujourd’hui. Malgré les progrès réalisés ces dernières années, la réaction de l’UE à la menace du changement climatique est toujours lacunaire et compromet son statut auto-proclamé de leader mondial du climat. Les objectifs et les politiques actuels de l’UE en matière de lutte contre le changement climatique doivent être améliorés de toute urgence s’il s’agit de limiter l’augmentation des températures à 1,5°C et rester ainsi en ligne avec les objectifs de l’Accord de Paris.
Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle qui s’impose pour se conformer aux objectifs de l’Accord de Paris, les dirigeants européens doivent rapidement abandonner les combustibles fossiles et passer aux systèmes énergétiques basés sur les énergies renouvelables et à haut rendement énergétique.
Mais quels sont les résultats obtenus jusqu’ici? Quelles sont les mesures qui s’imposent d’urgence pour favoriser un développement climatique au cours de la prochaine décennie, la décennie décisive qui déterminera soit notre succès ou notre défaite face à la crise climatique?
L’ancien objectif climatique doit être mis à jour et amélioré
En octobre 2014, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE au sein du Conseil européen se sont mis d’accord sur le niveau d’ambition des objectifs de l’UE en matière de climat et d’énergie pour 2030. Un objectif contraignant de l’UE consistant à réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre dans le pays, par rapport aux niveaux de 1990, a été adopté. Il est important de noter que cet objectif climatique, qui avait été adopté avant l’Accord de Paris en 2015, est toujours le même aujourd’hui. Pour les énergies renouvelables, un objectif d’au moins 27% a été convenu. Ils se sont également mis d’accord sur un objectif d’efficacité énergétique de 27%, par rapport aux prévisions de consommation d’énergies futures, avec la possibilité de l’augmenter à 30% après une révision en 2020.
En novembre 2016, la Commission européenne a proposé un ensemble de mesures législatives intitulé « Programme de l’énergie propre pour tous », qui a examiné la législation existante en matière d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique. La proposition de la Commission était plutôt conservatrice: elle proposait de conserver le même objectif en matière d’énergies renouvelables que celui convenu par les dirigeants de l’UE en 2014, et de porter l’objectif d’efficacité énergétique à 30% d’ici 2030. Le Parlement européen, qui a été déçu par le manque d’ambition de la Commission, a demandé à augmenter les deux objectifs à au moins 35%. Après d’intenses négociations entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, le compromis obtenu en juin 2018 consistait à fixer une énergie renouvelable de l’UE d’au moins 32% et un objectif d’efficacité énergétique de l’UE d’au moins 32,5% d’ici 2030. La législation révisée sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique est entrée en vigueur en décembre 2018.
Les objectifs énergétiques de l’UE à l’horizon 2030 ont donc été quelque peu relevés. Selon la Commission européenne, cela permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 45% par rapport aux 40% de réduction fixés par les dirigeants de l’UE en 2014(1). Néanmoins, les niveaux d’ambition actuels sont loin d’être suffisants. Dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015, les dirigeants mondiaux ont convenu de poursuivre leurs efforts pour limiter l’augmentation des températures à 1,5°C. Cependant, il existe un grave fossé entre ce que les pays, y compris l’UE, ont promis au titre de l’Accord de Paris et ce qu’ils se sont engagés à faire jusqu’à présent. Au cours de la dernière année, des centaines de milliers de personnes, dirigées par des écoliers, sont descendues dans la rue pour demander une action immédiate et efficace afin de faire face à l’urgence climatique. En outre, un sondage récent indique que 93% des Européens estiment que le changement climatique est un « problème grave », 79% le considèrent comme un « problème très grave » et 92% demandent aux gouvernements nationaux de renforcer leurs objectifs en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables(2).
Face à la menace existentielle d’impacts dévastateurs sur le changement climatique, l’UE, ses institutions et tous les États membres doivent donner la priorité aux actions pressantes visant à remédier à l’urgence climatique afin de concrétiser l’ambition de l’Accord de Paris de limiter l’augmentation des températures à 1,5°C. Mais les gouvernements agissent beaucoup trop lentement pour faire face à l’escalade de la crise. On estime que les engagements nationaux actuels dans le monde entier ne devraient limiter le réchauffement qu’à 3°C au mieux.
Par conséquent, l’objectif actuel de l’UE en matière de climat doit être considérablement augmenté, puis révisé en conséquence. Les pays européens doivent assumer la responsabilité de leurs émissions antérieures et reconnaître qu’ils ont une plus grande capacité d’action et doivent donc faire plus que la plupart des autres pays du monde. Afin de contribuer de manière équitable aux efforts déployés pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, l’UE devrait atteindre une réduction de 65% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Et avec un objectif climatique plus ambitieux, les objectifs énergétiques à l’horizon 2030 devront également être renforcés.
Voies à suivre:
Augmenter les objectifs, prendre des mesures plus audacieuses et mettre un terme aux finances publiques consacrées aux combustibles fossiles
Le soutien à un objectif climatique plus ambitieux pour l’UE à l’horizon 2030 augmente. L’année dernière, le Parlement européen et certains États membres ont appelé à une augmentation de l’actuel taux de 40% à au moins 55%. En juillet, la présidente désignée de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a également appelée à une augmentation substantielle de l’objectif climatique à l’horizon 2030. Et plus récemment, la chancelière allemande a également déclarée être favorable à une réduction de 55% des gaz à effet de serre dans l’UE d’ici 2030, aux côtés des autres États membres et du Parlement européen. L’UE devra augmenter son objectif climatique bien avant la fin de 2020 afin d’influencer de manière significative les discussions qui se déroulent au niveau international et dans le processus de négociation des Nations Unies. L’Accord de Paris demande à toutes les parties de réviser leurs objectifs pour 2030, intitulés « contributions déterminées au niveau national », d’ici la fin de 2020 au plus tard.
Il est essentiel que l’UE non seulement augmente son objectif climatique mais améliore ses objectifs énergétiques à l’horizon 2030. La législation sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique adoptée en 2018 offre déjà un point de départ pour relever le niveau d’ambition. Sur la base de cette législation, les États membres sont tenus d’élaborer des plans nationaux décennaux pour l’énergie et le climat. Ces plans constituent une base importante pour la discussion et l’élaboration des objectifs nationaux en matière de climat et d’énergie et de mesures concrètes à l’horizon 2030 et au-delà. Les États membres devraient saisir cette occasion pour aller au-delà du strict minimum requis pour atteindre les objectifs actuels à l’horizon 2030 et augmenter considérablement l’ambition de leurs plans, en termes d’objectifs et de politiques, afin de permettre à l’UE de s’en tenir à l’engagement pris dans l’Accord de Paris visant à limiter l’augmentation des températures à 1,5°C. Cela préparera le terrain pour une mise en œuvre plus rapide de la transition vers une énergie propre aux échelles et aux degrés d’ambition requis.
La législation de l’UE stipule que la Commission européenne présentera une proposition législative d’ici 2023 visant à réviser les objectifs énergétiques, si ceux-ci ne respectent pas les engagements internationaux de l’Union en matière de décarbonisation. Cependant, cette proposition devrait être beaucoup plus rapide compte tenu de l’urgence climatique et de la récente proposition du nouveau président de la Commission d’augmenter l’objectif 2030 relatif au climat.
Le budget à long terme de l’UE pour la période 2021-2027, actuellement en cours de négociation, devrait aider les États membres à renforcer leurs ambitions en matière de climat et d’énergie. À cette fin, les États membres doivent faire preuve de volonté politique et prendre la décision de placer les fonds de l’UE de manière à catalyser la transition vers une énergie propre et de ne pas continuer à investir dans des infrastructures à forte intensité de carbone, telles que les gazoducs.
En même temps, l’Europe devra tenir ses engagements d’éliminer progressivement les subventions aux combustibles fossiles. Les États membres devront élaborer des plans sur la manière de les mettre en œuvre au niveau national, tandis que la Commission devra faire des propositions pour réformer toutes les politiques budgétaires afin de les aligner sur les objectifs de l’Accord de Paris. Actuellement, l’industrie des combustibles fossiles bénéficie d’allégements fiscaux injustes et d’autres subventions qui vont à l’encontre des objectifs climatiques.
Finalement, investir dans de nouvelles infrastructures utilisant des combustibles fossiles risque de créer des effets de blocage du carbone et des actifs d’infrastructures en panne. En outre, les investissements dans la maintenance des infrastructures de combustibles fossiles existantes constituent un obstacle à l’évolution du système vers des économies d’énergie et sources d’énergie renouvelables. La planification et le financement des infrastructures énergétiques de l’UE doivent devenir compatibles avec l’Accord de Paris, garantissant ainsi que ce secteur contribue de manière adéquate à l’ambition globale de disposer d’un système énergétique basé sur des énergies renouvelables à 100% et d’atteindre des émissions de gaz à effet de serre nulles d’ici 2040.
Lors du dévoilement de la structure de la prochaine Commission européenne, Ursula von der Leyen a placé la politique climatique comme priorité absolue dès le départ. Il reste peu de temps à l’UE pour remplir ses engagements souscrits dans l’Accord de Paris. Il est donc grand temps que l’UE agisse et prenne les devants en matière de changement climatique. Le renforcement de l’ambition climatique sera la première et la plus importante étape de la prochaine Commission européenne.
Wendel Trio
Directeur de l’Action pour le Climat Europe
Climate Action Network Europe
Rue d’Edimbourg 26
1050 Brussels, Belgium
Email: info@caneurope.org, Tel: +32 (0) 28944670
Website: www.caneurope.org
Twitter: @CANEurope
(1) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:52019DC0285&from=EN
(2) Eurobaromètre spécial 490 sur le changement climatique (date de publication, septembre 2019) avec fiches d’information sur les États membres et Eurobaromètre spécial 492 sur l’énergie (date de publication, septembre 2019) avec des fiches d’information sur les États membres.