Les énergies renouvelables doivent être au cœur de nos politiques climatiques
L’utilisation rationnelle de l’énergie et le recours accru aux énergies issues de sources non fossiles sont deux atouts majeurs de toute politique destinée à réduire les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines, contribuant ainsi à nos politiques climatiques.
Pourquoi, comme cela est dit souvent, l’énergie constitue-t-elle l’un des paramètres clés de toute politique climatique ?
Jean-Louis Bal. L’essentiel des gaz à effet de serre, responsables du changement climatique, sont émis par les énergies fossiles. Il est donc essentiel, si nous souhaitons d’ici à la fin du siècle contenir le réchauffement climatique à une progression de deux degrés, de réduire drastiquement la part des énergies fossiles dans le bouquet énergétique mondial. Compte tenu de leur maturité, de leur compétitivité et de leur diversité, les énergies renouvelables sont désormais à même de se substituer, dans de très nombreux pays, aux énergies fossiles.
Les travaux de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), réalisés il y a quatre ans, démontraient que les énergies renouvelables pourraient contribuer à hauteur d’au moins 25% à la réduction des émissions de GES d’ici la fin du siècle. Si l’on refaisait l’exercice aujourd’hui, ce pourcentage serait encore supérieur, compte tenu des progrès importants réalisés ces quatre dernières années par le solaire photovoltaïque et l’éolien, considérés aujourd’hui comme deux énergies parmi les plus compétitives avec l’hydroélectricité. Historiquement, les énergies renouvelables ont émergé et se sont développées dans les pays de l’OCDE où elles bénéficiaient de soutiens publics. A présent, les pays émergents ont pris le relais. Chine, Inde, Afrique du Sud, Brésil… ont des besoins importants en énergie et, en particulier, en électricité, liés à leur croissance ; ils investissent notamment dans l’hydroélectricité, l’éolien et le solaire photovoltaïque, contribuant activement au développement de ces marchés. Le secteur des énergies renouvelables emploie 7,7 millions de personnes dans le monde.
En France, il représente 100 000 emplois et le double demain, si notre pays se met en ordre de marche pour atteindre l’objectif de 23% d’énergies renouvelables qu’il s’est fixé pour 2020.
Vous l’avez souligné à différentes reprises, la France aura du mal à atteindre les objectifs européens à horizons 2020 en matière d’énergies renouvelables ; comment expliquer ce retard ?
J-L. B. L’Union européenne a pour objectif de satisfaire 20% de sa consommation finale d’énergie par les énergies renouvelables à l’horizon 2020. Cette ambition représente 23% pour la France. Même si nous avons dépassé la barre des 14%, l’objectif de 23% sera difficile à atteindre d’ici 2020. Pourquoi une telle situation ? Plusieurs raisons : l’une d’elles réside dans l’encadrement administratif applicable notamment à l’énergie éolienne. Aujourd’hui, il faut en moyenne 7 à 8 ans pour mener à bien l’installation d’un parc éolien, quand il en faut 4 en Allemagne. Le constat est identique pour l’hydroélectricité et la méthanisation. Par ailleurs, en France, différentes filières des énergies renouvelables ont souffert de brusques changements. Ainsi, si les conditions de développement du solaire photovoltaïque étaient réunies avant 2010, l’année 2011 a donné un coup d’arrêt à la filière. Après avoir baissé les tarifs d’achat de l’électricité, le Gouvernement a décidé que seules les installations sur bâtiments de moins de 100 kWc seraient concernées par des tarifs d’achat de l’électricité par EDF, celles de plus de 100 kWc et les centrales au sol étant soumises à appels d’offres. Ceux-ci ont été très irréguliers ces dernières années et portaient sur des volumes insuffisants.
En revanche, certains dispositifs, comme le Fonds chaleur géré par l’ADEME, dont bénéficie la production de chaleur par biomasse depuis 2009, remplissent bien leur objectif. De 2009 à 2014, 1,2 milliard d’euros ont ainsi été apportés aux projets développés dans le domaine et ont permis de substituer aux énergies fossiles 1,5 million de tonnes équivalent pétrole, principalement à partir de bois énergie et de géothermie. Le mécanisme fonctionne bien, mais il est nécessaire d’augmenter ce coup de pouce de l’Etat, comme l’a décidé Ségolène Royal, Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie. Pour ce qui concerne le bois énergie, il faut également améliorer l’approvisionnement en bois. Si nous avons en France, avec la troisième forêt d’Europe, une ressource importante, encore faut-il aider la filière forestière à se structurer. Et nous sommes heureux que, depuis cette année, une partie du Fonds chaleur soit dédiée à cette structuration ; l’appel à projets lancé par l’ADEME sur ce sujet a rencontré un large écho. C’est un signe positif.
Qu’attendent les professionnels du secteur des énergies renouvelables de la COP 21 ?
J-L. B. En décembre prochain, si les 195 pays membres de l’ONU arrivent à se mettre d’accord sur les objectifs à atteindre, pour qu’une telle résolution – limiter à 2° le réchauffement climatique – porte ses fruits, encore faudra-t-il dans la pratique donner un prix au carbone. Cela permettra de changer les comportements économiques et de privilégier les meilleures utilisations de l’énergie et de développer davantage encore les énergies renouvelables.
La France aura du mal à atteindre ses objectifs 2020 en matière d’énergies renouvelables. Cela veut-il dire qu’elle n’atteindra pas l’objectif européen de 27% à horizon 2030 ?
Un document majeur de réponse à cette question est la loi pour la transition énergétique et la croissance verte, dont l’adoption définitive doit intervenir très prochainement ; les mesures qu’elle contient rendent réaliste l’objectif de passer à 32% d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique. Il faut pour cela que soit mis en place un cadre juridique, fiscal et réglementaire favorable. Nous étudierons avec attention les documents qui préciseront le contenu de la loi. L’enjeu est de parvenir à une programmation pluriannuelle de l’énergie, avec une approche spécifique pour chaque filière à horizon 2023, avec possibilité de révision en 2018, et affectation des moyens publics à travers des dispositifs tels que le Fonds chaleur, le crédit d’impôt ou la CSPE.
Au printemps, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a réalisé une étude sur un bouquet électrique intégralement composé de ressources « vertes » à l’horizon 2050. Quelles sont les données à considérer sur ce sujet ?
En France, le gisement physique le permet, qu’il s’agisse d’énergie éolienne ou photovoltaïque. Au-delà, il faut aussi équilibrer le système électrique minute par minute, ce qui représente un enjeu important, compte tenu du caractère variable des énergies renouvelables.
Les réponses pour y parvenir se trouvent dans le stockage de l’énergie et ce que l’on nomme les « smart grids ». L’étude de l’ADEME à laquelle le SER, comme d’autres acteurs du secteur, a été associé, n’est pas prédictive, dans la mesure où elle ne fixe pas de scénarios. Or, la programmation est importante. Par exemple, les Schémas régionaux climat air énergie créés par les lois Grenelle et copilotés par le Préfet de région et le Président du Conseil régional, déclinent aux échelles régionales une partie de la législation européenne sur le climat et l’énergie, avec des objectifs à la fois quantitatifs et qualitatifs. Ils permettent au gestionnaire chargé du transport de l’électricité, RTE, de programmer le raccordement au réseau des sources de production d’énergie renouvelable et d’éviter la saturation du réseau.
Les territoires à énergie positive prévus dans la loi pour la transition énergétique et la croissance verte sont-ils un dispositif intéressant ? Comment les analyser ?
J-L. B. Il s’agit, en effet, d’un dispositif intéressant, qui bénéficiera notamment du Fonds chaleur. Mais il ne s’agit pas de produire localement de l’énergie en visant l’autonomie ou l’autarcie de quartiers, villes ou territoires, dans ce domaine. Une grande partie du gisement des énergies renouvelables se trouve en zone rurale. Or, c’est dans les villes et les zones urbaines denses que les besoins en énergie sont les plus importants. Il faudra donc mutualiser la ressource, en renvoyant sur le réseau général l’électricité produite.