Dans un contexte de modernisation et d’ouverture inédits depuis son indépendance, l’Ouzbékistan ne pouvait faire l’économie de réformer son secteur de l’industrie du coton. Il y avait beaucoup à faire en matière de droit du travail et notamment parvenir à juguler le travail forcé des enfants afin de faire respecter leurs droits de toute urgence. L’industrie du coton représentait il y a quelques années 20% de l’économie de l’Ouzbékistan, ce qui en faisait en 2019 le 6è producteur mondial et un exportateur considérable. Mais pour cela, il fallait des mains et longtemps le pays a eu recours à celui des enfants. Il était temps que le pays mette en place une nouvelle législation pour venir à bout de ce fléau.
En 2011, suite à ces pratiques dignes d’un autre âge, la coalition américaine « Cotton Campaign », regroupant 331 marques et détaillants internationaux, mais aussi un nombre important d’ONG de défense des droits de l’homme, avait appelé à boycotter le coton ouzbek. A l’issue d’une conférence de presse tenue le 10 mars à Tachkent à la suite des réunions et négociations de la délégation de la coalition avec des représentants de l’Ouzbékistan, la campagne a décidé d’annuler purement et simplement cet appel historique à ne pas acheter ni consommer de coton venant d’Ouzbékistan. Bennett Freeman, co-fondateur de « Cotton Campaign » et ancien secrétaire adjoint d’État américain à la démocratie et aux droits de l’homme et du travail, a souligné les efforts faits par le pays en moins de dix ans. Comment Tachkent a-t-elle procédé ?
En réalité, depuis 2017, le Gouvernement ouzbek mène un dialogue ouvert et constructif avec les membres de la Coalition afin de respecter les règles internationales élémentaires et produire un coton de qualité et sans avoir recours aux enfants. Ainsi, à la suite d’une série de réunions et de négociations en juin 2019, la Coalition a présenté au Gouvernement de l’Ouzbékistan une feuille de route afin de le guide pour mener des réformes, visant à mettre fin au travail forcé dans l’industrie du coton et à garantir l’efficacité des réformes en cours. Désormais, toute entreprise faisant appel à des enfants est responsable pénalement. Pour mettre en œuvre ces mesures, l’Ouzbékistan a adopté 32 actes juridiques au cours de la période 2019-2021, ratifié un certain nombre de conventions et de protocoles de l’Organisation internationale du Travail et de l’Organisation Internationale pour les Migrations. De plus, les quotas visant à limiter la production ont disparu, conformément aux recommandations de l’Organisation Internationale du Travail et la Banque mondiale : ce qui a eu pour conséquence d’augmenter les salaires des cueilleurs de coton brut, de rendre plus attractif le métier et voir de plus en plus d’adultes se tourner vers une profession plus lucrative qu’auparavant.
Pour la première fois depuis 2009, le Forum ouzbek des droits de l’homme, l’un des principaux partenaires de la coalition « Cotton Campaign», a confirmé l’absence de travail forcé systématique lors de la récolte de coton de 2021. Auparavant, près de deux millions de personnes étaient recrutées chaque année pour récolter le coton en Ouzbékistan. Le pays a en effet réussi à éradiquer le travail forcé et le travail des enfants pendant le cycle de production du coton en 2021, selon de nouvelles conclusions de l’OIT. Selon le rapport de suivi indépendant de l’OIT sur la récolte de coton en Ouzbékistan en 2021, basé sur environ 11 000 entretiens avec des cueilleurs de coton, 99 % de ceux qui ont participé à la récolte de coton de 2021 ont travaillé de leur plein gré. Environ un pour cent des sondés ont été soumis de manière contrainte à travailler. Les données montrent que 0,47 % des personnes interviewées ont signalé des menaces directes de la part des responsables locaux.
On estime que deux millions d’enfants ont été libérés du travail et un demi-million d’adultes du travail forcé depuis que le processus de réforme du secteur du coton en Ouzbékistan a commencé il y a sept ans. Désormais, la levée du boycott du coton ouzbek devrait rapidement ouvrir la voie au retour des plus grandes marques mondiales sur un marché en croissance permanente
Par Joachim henard