Taxonomie : avec du nucléaire et du gaz est-elle toujours aussi verte ?
À l’heure actuelle, ces activités purement bénéfiques pour le climat représentent moins de 5 % de l’activité des entreprises européennes dont le modèle est très marginalement orienté vers le respect de l’Accord de Paris. La taxonomie était supposée parler d’avenir mais les États membres ont voulu y injecter du gaz et du nucléaire. Dans le premier cas, les pays de l’Est comme la Pologne très consommateurs de charbon espèrent ainsi pouvoir financer leur transition du charbon vers le gaz, une énergie toujours fossile mais moins émettrice de CO2. Dans le second cas, cela répond à une volonté de la France et de son président de voir le nucléaire étiqueté énergie de transition pour pouvoir financer les chantiers de construction de nouveaux EPR et la rénovation des centrales existantes, qui devrait coûter 150 milliards d’euros minimum, avec de l’argent européen.
Pascal Canfin, le président de la Commission Environnement du Parlement européen, voulait rester optimiste fin 2021 expliquant que le compromis politique peut éviter la paralysie de tout le dispositif.
La finance durable donne-t-elle priorité à la finance ou à la durabilité ?
Le document, envoyé aux États membres le 31 décembre 2021, fixe les critères permettant de classer comme « durables » les investissements dans les centrales nucléaires ou à gaz pour la production d’électricité. Un compromis qui va dans le sens des intérêts français.
L’objectif de cette taxonomie étant d’orienter les financements privés et institutionnels vers les activités contribuant à la réduction des gaz à effet de serre.
Texte réclamé par la France ;
Les conditions de l’inclusion du nucléaire et du gaz dans la taxonomie européenne, les deux sources d’énergie se retrouvant dans la même catégorie juridique, même si le nucléaire n’est nulle part qualifié formellement d’énergie de « transition » selon l’exécutif français, à la différence du gaz.
Enfin, Bruxelles exigera des garanties en matière de traitement des déchets nucléaires et de démantèlement des installations, conformes aux traités existants.
Seuil inatteignable pour le gaz;
Du côté du gaz, qualifié d’énergie de transition, des normes d’émissions de CO2 strictes vont être mises en place.
Par ailleurs, un critère de transparence est aussi introduit pour le gaz et le nucléaire : les investisseurs devront préciser quelle est la part correspondante de ces énergies dans leurs produits financiers respectant la taxonomie verte.
Financer les nouveaux réacteurs;
La France, qui veut relancer sa filière nucléaire – source d’électricité stable et décarbonée – défend de longue date l’inclusion de l’atome dans la taxonomie européenne.
L’énergéticien français EDF a de quoi se réjouir : les conditions annoncées par Bruxelles devraient permettre d’obtenir des financements verts à la fois pour la poursuite du grand carénage et la construction de nouveaux réacteurs nucléaires (y compris à l’export), comme le souhaite Emmanuel Macron.
Réduire les coûts de financement;
D’autres pays d’Europe centrale, comme la Pologne ou la République tchèque, avaient également plaidé pour un tel texte. Il faut dire qu’ils doivent remplacer leurs centrales à charbon très polluantes. Intégrer le nucléaire dans cette classification permettra une réduction des coûts de financement, cruciale pour les projets concernés.
L’Allemagne ferme ses derniers réacteurs nucléaires;
L’Allemagne a fait part de son opposition au projet sur la qualification du nucléaire comme énergie verte, rappelant que sa position sur ce point demeure « inchangée, le gouvernement reste convaincu que l’énergie nucléaire ne peut être qualifiée de durable ».
« En introduisant les flexibilités nécessaires pour trouver les conditions d’un accord politique, sans nuire à la transition environnementale, la Commission a résolu la quadrature du cercle », salue l’eurodéputé français Pascal Canfin (Renew), président de la commission environnement, qui estime qu’une majorité se dégagera au Parlement pour valider le texte.
Pascal Canfin invite à ne pas se tromper. « L’écologie s’insère totalement dans les trois axes mentionnés par Emmanuel Macron, assure-t-il. Quand on parle « puissance », l’enjeu est pour l’UE de fixer nos propres règles du jeu dans la mondialisation pour peser face à la Chine et les États-Unis, reprend le député européen. C’est précisément ce à quoi vise le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) une des quatorze mesures du « fit for 55 » et n’est ni plus ni moins que l’instauration d’une taxe carbone aux frontières des 27. L’enjeu est triple. Il est déjà d’éviter que les efforts climatiques et environnementaux de l’UE viennent saper la compétitivité de ses entreprises face à celles qui exportent leurs marchandises et services sur les marchés européens. Il s’agit aussi d’éviter les délocalisations d’activités industrielles vers les coins du globe où les conditions de production sont moins contraignantes, notamment au niveau environnemental. Il est enfin d’encourager le reste du monde à rehausser leurs exigences climatiques.
« Nous n’arriverons pas à faire adopter par les 27 l’ensemble du « fit for 55 » dans les six mois, c’est trop lourd », glisse de son côté Pascal Canfin. D’autant plus que ce paquet de quatorze mesures n’est pas le seul enjeu environnemental, en ce moment, à l’agenda européen. Mi-novembre 2021, Bruxelles a publié une proposition de loi visant à interdire l’importation sur le marché européen de produits ou matières premières qui contribuent, d’une façon ou d’une autre, à la déforestation ou la destruction de milieux naturels dans les régions tropicales. Sur ce texte aussi, aux forts enjeux, il reste à mettre d’accord les 27 États membres sur une version la plus ambitieuse possible. « Là encore, l’objectif est d’y parvenir sous présidence française », glisse l’eurodéputé.