Les entreprises ne pourront plus causer de préjudice aux citoyens et à la planète en toute impunité
Le devoir de diligence signifie que les entreprises doivent identifier, traiter et corriger leur impact sur les droits de l’homme et l’environnement tout au long de leur chaîne de valeur.
Les règles devraient s’appliquer aux entreprises opérant au sein du marché intérieur de l’UE, notamment les entreprises extra-européennes.
Des sanctions pour non-conformité et un soutien juridique pour les victimes d’entreprises dans les pays tiers.
Interdiction des importations de produits liés à des violations graves des droits de l’homme telles que le travail forcé ou des enfants.
Le Parlement ouvre la voie à une nouvelle loi européenne exigeant que les entreprises respectent les normes en matière de droits de l’homme et d’environnement dans leurs chaînes de valeur.
Le rapport d’initiative législative, adopté mercredi par 504 voix pour, 79 contre et 112 abstentions, appelle à l’adoption urgente d’une législation européenne contraignante afin de veiller à ce que les entreprises soient tenues responsables lorsqu’elles portent préjudice – ou contribuent à porter préjudice – aux droits de l’homme, à l’environnement et à la bonne gouvernance. Cette législation doit également garantir l’accès des victimes aux recours juridiques. La Commission européenne a annoncé qu’elle présenterait sa proposition législative à ce sujet dans le courant de l’année.
Durabilité et bonne gouvernance
Des règles européennes contraignantes en matière de devoir de diligence obligeraient les entreprises à identifier, traiter et corriger les aspects de leur chaine de valeur (toutes les opérations, relations d’affaires directes ou indirectes, chaînes d’investissement) qui pourraient porter préjudice ou qui portent réellement préjudice aux droits de l’homme (y compris les droits sociaux, commerciaux et des travailleurs), à l’environnement (notamment la contribution au changement climatique ou à la déforestation) et à la bonne gouvernance (comme la corruption ou les pots-de-vin). Les députés soulignent que la diligence raisonnable est avant tout un instrument de prévention qui impose aux entreprises de prendre des mesures proportionnées à la probabilité et à la gravité de l’impact, au secteur d’activité, à la taille et à la longueur de la chaîne de valeur et à la taille de l’entreprise.
Apporter des changements au-delà des frontières de l’UE
Les entreprises qui souhaitent accéder au marché intérieur de l’UE, notamment celles installées en-dehors de l’Union, devraient prouver qu’elles respectent les obligations de diligence raisonnable en matière d’environnement et de droits de l’homme. Le Parlement appelle à des mesures supplémentaires, notamment l’interdiction d’importer des produits liés à de graves violations des droits de l’homme, comme le travail forcé ou des enfants. Ces objectifs devraient être inclus dans les chapitres sur le commerce et le développement durable des accords commerciaux de l’UE. Par ailleurs, les députés demandent à la Commission de mener un examen approfondi des violations des droits de l’homme des entreprises basées au Xinjiang et exportant vers l’UE, en particulier celles liées à la répression des Ouïghours. Pour garantir des recours efficaces pour les victimes, les entreprises devraient être tenues responsables de leurs actes et condamnées à une amende pour le préjudice causé ou auxquelles elles auraient contribué, à moins qu’elles puissent prouver qu’elles ont agi conformément aux obligations de diligence raisonnable et pris des mesures pour prévenir ce préjudice. Les droits des victimes et des parties prenantes dans les pays tiers, qui sont particulièrement vulnérables, seraient également mieux protégés, car elles seraient en mesure de poursuivre les entreprises en justice en vertu de la législation européenne.
Champ d’application élargi et aide aux PME
Pour créer des conditions équitables, le futur cadre législatif sur la diligence raisonnable devrait être large et s’appliquer à toutes les grandes entreprises régies par la législation européenne ou établies dans l’UE, notamment celles qui fournissent des services financiers. Par ailleurs, les PME cotées en bourse et celles à haut risque devraient être couvertes par les règles, et bénéficier d’une aide technique pour se conformer aux exigences.
La rapporteuse Lara Wolters (S&D, NL)
a déclaré:
« Cette nouvelle législation sur le devoir de diligence des entreprises établira la norme en matière de conduite responsable des affaires en Europe et au-delà. Nous refusons d’accepter que la déforestation ou le travail forcé fassent partie des chaînes d’approvisionnement mondiales. Les entreprises devront éviter et traiter les dommages causés aux personnes et à la planète dans leurs chaînes d’approvisionnement. Les nouvelles règles donneront aux victimes un droit légal de soutien et de demande de réparation, et garantiront l’équité, des conditions de concurrence équitables et la clarté juridique pour toutes les entreprises, les travailleurs et les consommateurs. »
Questions – réponses
Pourquoi vouloir une nouvelle législation ?
À l’heure actuelle, c’est beaucoup trop difficile, et si vous y réfléchissez, c’est tout à fait non-intuitif. Si un citoyen ordinaire casse la fenêtre de quelqu’un, même accidentellement, je peux vous assurer qu’il n’a pas d’écran de fumée derrière lequel se cacher. Mais en droit international, il y en a beaucoup. Bien qu’une grande entreprise dispose des ressources et des esprits juridiques les plus brillants, les personnes touchées manquent souvent d’argent et de moyens pour obtenir réparation.
Nous vivons dans un monde dans lequel les entreprises si enclines peuvent encore déplacer leurs impacts sociaux et environnementaux négatifs vers les personnes et les lieux les plus vulnérables de la planète. Et à l’occasion de la Journée internationale de la femme, je ne peux m’empêcher de remarquer que ces répercussions ne sont pas sans incidence sur le genre : les femmes sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté, d’être victimes d’abus sexuels et de violence au sein des chaînes d’approvisionnement dont nous parlons maintenant.
L’un des problèmes, c’est que, dans une économie mondiale, respecter le devoir de diligence ne donne pas à une entreprise un avantage concurrentiel. Et je refuse de croire que c’est quelque chose que nous devons simplement accepter – que la déforestation ou le travail forcé font partie intégrante des chaînes d’approvisionnement mondiales. Ce dont il s’agit ici, c’est de l’absence de règles communément appliquées en matière de conduite responsable des entreprises et de l’absence d’un cadre pour la responsabilité de la chaîne d’approvisionnement.
Pensez-vous répondre à une attente de la société d’aujourd’hui ?
Il n’est pas surprenant que le débat sur cette question ait pris de l’ampleur au fil des ans. L’ONU et l’OCDE ont courageusement dirigé le développement de l’orientation pour les entreprises et ont repoussé les limites. Mais le temps des normes volontaires est maintenant révolu. Selon un récent sondage de la Commission, seulement un tiers des répondants ont déclaré qu’une certaine forme de devoir de diligence avait été exercée. Cette même étude a montré que la majorité des entreprises reconnaissent la valeur des nouvelles règles de l’UE. En effet, n’oublions pas les milliers d’entreprises qui font déjà ce qu’il faut, mais qui ne se sentent pas appuyées par les règles actuelles.
Ces entreprises comprennent que les normes obligatoires sont le seul moyen d’uniformiser les règles du jeu et d’assurer la sécurité commerciale des entreprises. Ils comprennent également que les consommateurs modernes ont des normes élevées et que faire des affaires au XXIe siècle signifie faire des affaires de façon responsable. Voilà pourquoi, au cours des derniers mois, nous avons élaboré une loi ambitieuse qui s’appliquerait à tous ceux qui veulent vendre leurs biens ou services sur le marché intérieur, y compris les entreprises non européennes.
Cette loi sera-t-elle réalisable par les entreprises concernées ?
Cette loi exige des entreprises qu’elles fassent de leur mieux pour identifier et traiter les impacts négatifs sur les droits de l’homme, l’environnement et la gouvernance, et ce dans toute leur chaîne de valeur, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union. L’accord que nous avons conclu garantit la participation des ONG et des communautés locales, et souligne le rôle des syndicats.
Pour que nous puissions transformer les chaînes d’approvisionnement de façon significative, toutes les entreprises qui présentent des risques dans leur chaîne d’approvisionnement devraient faire preuve de devoir de diligence. Mais nous avons porté une attention particulière aux PME et n’avons inclus que celles qui sont exposées à des risques ou cotées en bourse. Les obligations devraient être proportionnelles et raisonnables, ce qui signifie que les petites entreprises devraient faire ce qu’on peut raisonnablement attendre d’elles, selon leurs moyens.
Faut-il exclure les PME du processus ?
Non l’exemption des PME va tout à fait à l’encontre de nos objectifs communs. Une petite entreprise peut aussi causer du tort. Nous devrions donc nous concentrer sur les risques plutôt que sur la taille. Oui, les règles devraient être applicables, les PME sont effectivement venues me le dire, et je suis d’accord avec elles. Mais ils ne sont pas venus me demander une exemption, puisqu’ils savent que cela pourrait avoir un effet paralysant sur leur entreprise. Ils font souvent partie des chaînes d’approvisionnement des grandes entreprises et ils risqueraient d’être exclus. Une exemption rendrait également plus difficile la croissance des PME ou l’obtention d’un financement pour la croissance, et j’exhorte donc les députés à voter contre l’amendement visant à exempter les PME.
Pour conclure
Le Parlement européen a la chance cette semaine de devenir un leader dans la conduite responsable des affaires. Pour les entreprises, nous créons des règles du jeu équitables et une clarté juridique. Pour les consommateurs, nous assurons des produits équitables. Pour les travailleurs, nous améliorons la protection. Pour les victimes, nous améliorons l’accès à la justice. Et pour l’environnement, nous prenons une mesure qui se fait attendre depuis très longtemps