L’UE est l’une des principales économies les plus efficientes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et elle va atteindre son objectif de réduction des émissions pour 2020. Les émissions de GES de l’UE ont diminué de 23% en 2018 par rapport aux niveaux de 1990, alors que l’objectif fixé en 2007 était de 20%. Cependant, l’UE et le monde entier doivent déployer des efforts supplémentaires pour s’aligner sur l’objectif de l’Accord de Paris afin de limiter le réchauffement climatique à 2°C, sans parler de 1,5°C d’ici la fin du siècle
Avant la conférence sur le climat à Paris en 2015, l’Union européenne avait pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. À la suite de l’Accord de Paris, cet objectif doit être revu à la hausse d’ici la fin de 2020, de même que son objectif à long terme pour 2050. En outre, compte tenu des engagements insuffisants actuellement présentés par les parties à l’Accord de Paris, l’UE doit prendre action également au niveau mondial. L’UE devrait renforcer davantage sa capacité de diplomatie climatique et ses relations géopolitiques en élaborant en conséquence sa politique étrangère, mais également le commerce, le développement, l’aide, la sécurité et la prévention des conflits.
Depuis l’Accord de Paris, plusieurs rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont fortement attiré l’attention du public, soulignant l’urgence d’agir dès maintenant pour lutter contre le changement climatique et prévenir des dangers majeurs pour l’être humain et l’écosystème. En particulier, le GIEC a publié en octobre 2018 son rapport spécial sur les effets du réchauffement planétaire de 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels et sur les voies d’émission de gaz à effet de serre connexes, dans le contexte du renforcement de la réponse mondiale à la menace du changement climatique. Le rapport conclut sans ambages qu’une action continue, conforme aux engagements actuels, n’est pas compatible avec des voies permettant de limiter le réchauffement à 1,5°C. Si les engagements actuels pris par les parties à l’Accord de Paris étaient pleinement mis en œuvre, les émissions en 2030 seraient à peu près le double du montant compatible avec l’objectif de température à long terme de 1,5°C. Cependant, l’écart est encore plus grand puisque de nombreux pays n’ont pas adopté de mesures suffisantes pour respecter leurs engagements au titre de l’Accord Paris. L’état actuel de la mise en œuvre des politiques et mesures devrait entraîner un réchauffement de la planète de 3,2°C. Le rapport souligne que nous pouvons déjà faire l’expérience des conséquences du réchauffement planétaire de 1°C et mentionne un certain nombre d’incidences du changement climatique, qui pourraient être évitées en limitant le réchauffement climatique à 1,5°C au lieu de 2°C.
Face à ces preuves scientifiques accablantes, aux nombreux événements extrêmes et à l’insuffisance des mesures prises par les principaux pays émetteurs pour lutter contre les changements climatiques, la participation de la société civile s’est intensifiée au cours des dernières années. Plus important encore, les manifestations initiées par Greta Thunberg à l’été 2018 ont donné naissance au nouveau mouvement « Fridays For Future » (Vendredis pour l’avenir), qui a amené des milliers d’étudiants dans la rue tous les vendredis au cours des derniers mois. L’une des principales demandes des jeunes qui participent à Fridays For Future est que les politiciens écoutent la science du climat et agissent en conséquence.
Après la publication du rapport du GIEC sur les impacts de 1,5°C et dans la perspective de la conférence sur le climat de Katowice, le Parlement européen (PE) a appelé pour la première fois, dans sa résolution d’octobre 2018, à une augmentation de l’objectif de réduction des émissions de GES de l’UE de 55% d’ici 2030. En outre, le PE a estimé que les effets profonds et probablement irréversibles d’une hausse de 2°C des températures mondiales pourraient être évités si l’objectif plus ambitieux de 1,5°C fixé par l’Accord de Paris était poursuivi, mais cela nécessiterait que les émissions mondiales de GES augmentent pour tomber au net zéro d’ici 2050 au plus tard. À cette fin, la Commission a également été invitée à proposer une stratégie à long terme pour les émissions nettes de GES de l’UE à moyen terme pour la moitié du siècle. Dans sa résolution plus récente de mars 2019 pour une économie climatiquement neutre conformément à l’Accord de Paris, le PE a réaffirmé sa position selon laquelle l’UE doit s’efforcer d’atteindre des émissions nettes de GES le plus tôt possible et au plus tard à l’horizon 2050. Plus tôt en juillet 2018, le PE avait adopté un rapport sur la diplomatie climatique de l’UE et avait souligné la responsabilité de l’UE en matière de diriger l’action climatique ainsi que la prévention des conflits. Le rapport souligne que les capacités diplomatiques de l’UE doivent être renforcées afin de promouvoir l’action pour le climat au niveau mondial, de soutenir la mise en œuvre de l’Accord de Paris et de prévenir les conflits liés au changement climatique. Il couvre ainsi les principaux domaines de la diplomatie climatique de l’UE.
Afin de mettre en œuvre ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 dans le cadre de l’Accord de Paris, l’UE a mis en place, avant mai 2019 (fin du mandat précédent du Parlement européen) de nombreuses législations relatives à plusieurs activités économiques. Cependant, comme chaque peu de réchauffement compte, l’UE doit renforcer ses politiques climatiques, notamment en ce qui concerne les émissions croissantes des secteurs de l’aviation et du transport maritime, ainsi que les émissions de GES autres que le CO2 (par exemple, le méthane, l’hexafluorure de soufre – SF6, etc.) qui entraînent plus de 30% du réchauffement climatique actuel. En particulier, les émissions de l’aviation civile internationale et du transport maritime sont deux des sources d’émissions de GES qui connaissent la croissance la plus rapide. Toutefois, leurs émissions sont exclues de l’Accord de Paris. Deux agences des Nations Unies spécialisées dans ces secteurs – l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et l’Organisation maritime internationale (OMI) – ont été mandatées pour traiter ces émissions, mais leurs mesures de réduction des émissions tant attendues sont encore à l’étude. Malgré des gains de productivité dus aux améliorations technologiques et opérationnelles, les émissions des transports aériens et maritimes internationaux ont augmenté en moyenne de 4,0% et de 2,6% respectivement par an. Si le monde suit une trajectoire d’émissions compatible avec l’Accord de Paris alors que l’aviation et les transports maritimes internationaux demeurent incontrôlés, les deux secteurs seront responsables globalement de 20% à 50% des émissions mondiales de CO2 en 2050, selon un rapport du PE en 2015.
Des problèmes se posent quant aux projets annoncés par la présidente élue de la Commission, tels qu’un nouveau Green Deal européen dans les 100 premiers jours de son mandat pour un nouvel engagement européen en faveur de la neutralité climatique à l’horizon 2050, ainsi qu’un objectif d’augmentation d’au moins 50% des émissions de l’UE à l’horizon 2030. Soumis aux niveaux d’ambition des autres grands émetteurs d’ici 2021, l’UE devrait présenter un plan global visant à porter l’objectif de l’UE pour 2030 à 55%. Lors du Conseil européen de juin 2019, les États membres de l’UE n’ont pas adopté d’objectif de neutralité carbone de 2050 pour l’UE, bien que certains États membres aient déjà adopté des objectifs de neutralité climatique. L’actuelle présidence finlandaise de l’UE devrait redoubler d’efforts pour adopter l’objectif de neutralité carbone fixé par le Conseil à l’horizon 2050. Quoi qu’il en soit, si l’UE veut respecter les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris et donner l’exemple en matière de lutte contre le changement climatique, elle doit prendre des décisions audacieuses d’ici la fin de 2020 au plus tard.
Dr Georgios AMANATIDIS
Administrateur de la recherche, Département thématique des politiques économiques, scientifiques et de la qualité de la vie, Parlement Européen
* Les opinions exprimées dans ce document n’engagent que l’auteur et ne représentent pas nécessairement la position officielle du Parlement européen.