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Pour un plurilinguisme européen

Ce mercredi 29 novembre, sur l’initiative de la Représentation permanente de la Francophonie auprès de l’Union européenne, le Club de la Presse francophone organisait, en présence des auteurs, un débat autour du livre « …Et le monde parlera français ».

« Le français sera la première langue d’Afrique ». En déplacement officiel au Burkina Faso, devant un parterre d’étudiants de l’université de Ouagadougou, Emmanuel Macron marque un bref temps d’arrêt, puis surenchérit « peut-être même du monde ! » Lâchée depuis le continent voisin, cette poignée de mots résonne jusqu’à Bruxelles où, ce mercredi grisâtre de fin novembre, le Club de la Presse francophone – rassemblant, depuis 2016, correspondants de presse, ambassadeurs, diplomates et autres acteurs susceptibles de promouvoir l’usage de la langue française au sein des différentes institutions européennes – s’est réuni pour débattre autour du livre « …Et le monde parlera français », de Roger Pilhion et Marie-Laure Poletti.

Présent pour l’occasion, le duo d’auteurs français ne semble pas aussi enthousiaste quant aux perspectives esquissées par son président . « Si l’on agit intelligemment, le français redeviendra une grande langue mondiale, pas la plus grande. En Afrique, c’est différent. Si l’on parvient à s’affranchir de la ségrégation sociale à laquelle le français est encore fort lié, et qu’on mise activement sur l’enseignement, le français sera la plus grande langue d’Afrique », souligne Roger Pilhion. Ce dernier se réjouit néanmoins de la volonté affichée par le président français d’abonder dans le sens d’une revalorisation de cette langue qui fut, jusque dans l’entre-deux-guerres, celle de la diplomatie internationale, avant de lâcher progressivement du lest en faveur de l’anglais.

 

L’hégémonie anglo-saxonne

Car le constat est bien là : qu’il s’agisse d’activités de coopération économique menées par des acteurs privés, de politiques façonnées au sein des organisations internationales ou de l’Union européenne, de la communication entretenue par leurs institutions avec les différents organes de presse, chaque discipline, un tant soit peu tournée vers la communauté mondiale, subit désormais l’hégémonie exclusive de la langue anglaise. Une langue, non seulement loin d’être maîtrisée à la perfection par bon nombre d’acteurs pourtant contraints de l’employer dans le cadre de leurs fonctions, mais également porteuse d’un modèle et d’une culture anglo-saxons qui, s’ils méritent assurément d’être accueillis – bien que la question se pose davantage en cette période post-Brexit – , ne peuvent constituer la seule référence dans une Europe pétrie de multilinguisme et de diversité culturelle. « Défendre le multilinguisme, c’est contribuer à la pluralité d’idées et de méthodes. Une langue, ce n’est pas neutre. Ça porte une représentation du monde. Ça permet de s’attacher à des problèmes de manière différente, d’essayer d’autres angles d’attaque. Le plurilinguisme est constitutif de l’identité européenne. La domination d’une seule langue dans les institutions européennes est un contresens qui éloigne l’Europe des peuples », expliquent les deux auteurs.

Conscientiser les francophones

Si l’on comprend, dès lors, l’intérêt du monde francophone à défendre le rayonnement de sa langue – on pourrait aussi citer les enjeux liés aux échanges économiques, à l’exportation de produits culturels, aux nombreux emplois enfantés par le marché du français langue étrangère… – , encore faut-il déterminer la méthode susceptible de la replacer au centre des pratiques. C’est tout l’enjeu de l’ouvrage passionnément discuté ce jour qui, bien que s’adressant « au public le plus large possible », se tourne aussi vers les pouvoirs politiques français afin « de leur indiquer les changements qui doivent urgemment intervenir en France ». Des nombreuses indications techniques que nous ne pourrions répercuter exhaustivement dans ces lignes, on retiendra, avant tout, l’importance fondamentale d’accorder des moyens et un soutien structurel accrus à « l’enseignement du et en français », non seulement dans nos contrées, mais également en Afrique, dans le monde arabe voire ailleurs sur la planète. Il est tout aussi capital, selon les auteurs, de soutenir activement l’emploi du français dans les organisations internationales comme dans celui du monde des affaires. Cela passe, en partie, par une politique de conscientisation des populations francophones. « La plupart des Français se définissent comme des Français, pas comme des francophones. Ils n’ont pas conscience des opportunités, par exemple économiques, que leur langage leur offre. Il faut développer auprès de la population, des cadres, des étudiants, cette conscience d’être francophone ».

Un accueil constructif

Méticuleusement étayé, le livre semble avoir été accueilli avec intérêt par l’entourage politique d’Emmanuel Macron. « Jean-Baptise Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires européennes, a participé au lancement du livre, qu’il considère comme une véritable feuille de route », explique Roger Pilhion. Claude-France Arnould, ambassadrice de France en Belgique, était présente ce mercredi au Club de la Presse. Abondant dans ce sens, elle a confirmé l’intérêt du Président pour cette « feuille de route », ajoutant, tout en restant assez floue, plancher actuellement sur un projet visant à promouvoir le multilinguisme à Bruxelles. « Beaucoup d’idées énoncées aujourd’hui constituent une grande source d’inspiration. N’hésitez pas à m’en transmettre davantage dans les 10 jours qui viennent ». L’appel est lancé.

 

la Rédaction

 

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